Le Monde.fr | 06.02.2014 à 09h57 • Mis à jour le 06.02.2014 à 10h09 | Par Béatrice Jérôme
Exemple d'expression architecturale à Créteil l'Echat. Image non contractuelle.
Le projet de métro du Grand Paris risque de tomber en panne de financement. Une étude de l'Observatoire régional de l'immobilier d'entreprise en Ile-de-France (ORIE) que le Monde s'est procurée et qui sera rendue publique jeudi 6 février, émet des doutes sur la « crédibilité » des « prévisions de recettes » du gouvernement.
L'ORIE qui réunit à parité des services de l'Etat, des collectivités et des acteurs privés publie des simulations qui montrent l'effet dissuasif de l'actuelle hausse de la fiscalité immobilière sur le programme de bureaux surtout en grande couronne parisienne. Or la construction du futur réseau de transport dépend de cette manne fiscale.
ESTIMÉ À 22,6 MILLIARDS D'EUROS
Nicolas Sarkozy a mis le projet sur les rails, en 2010. Jean-Marc Ayrault a présenté son plan de financement « sécurisé » en mars 2013, estimé à 22,6 milliards d'euros. Mais pour que le futur « Grand Paris Express » déroule ses 200 kilomètres de tunnels et ses 72 gares en commençant à rouler au sud de Paris en 2020, les taxes prélevées sur les bureaux en Ile-de-France sont stratégiques. Pas de bureaux, pas de métro !
La réforme de la redevance sur les créations de bureau (RCB) votée en 2011 prévoit une hausse progressive sur plusieurs années de cette taxe selon trois barèmes sur trois zones territoriales. Elle est censée, selon Matignon, rapporter 263 millions d'euros en 2014 soit plus de la moitié des recettes fiscales attendues pour financer le métro.
Selon l'étude de l'ORIE, en 2020, le montant de la taxe sur les bureaux dépassera 10% de la valeur immobilière des biens en 2020 dans une quarantaine de villes. Parmi elles figurent Marne-la Vallée, Cergy, Evry, Roissy, Orly ou Saint-Quentin-en-Yvelines. Dans cette agglomération de l'Ouest parisien, les nouveaux bureaux étaient jusqu'en 2013 exonérés de taxe. En 2020, le montant de la RCB sera de 215 euros pour 1 m2 de bureau pour un prix de vente actuel des bureau de 300 euros du m2.
« DES OPÉRATIONS NON VIABLES ÉCONOMIQUEMENT »
« Dans de nombreux secteurs périphériques », selon l'ORIE, il existe « une déconnexion » entre la réforme fiscale et « la réalité du marché du bureau ». La réforme fiscale rend sur ces communes « les opérations non viables économiquement ». Au point de « freiner, voire stopper la croissance de leur parc », écrit l'ORIE. Ce qui rend irréalistes les « prévisions de recettes pour le réseau de transport » et les « objectifs de croissance en périphérie ».
« Les territoires de la seconde couronne seront les plus impactés », indique l'étude. Alors que le futur métro doit permettre une meilleure répartition des emplois sur toute l'Ile-de-France, il risque, selon l'ORIE d'entraîner de nouveaux « déséquilibres ».
En devenant plus accessibles, les villes situées à proximité du réseau espèrent toutes attirer des entreprises. Un grand nombre d'entre elles ont programmé des opérations immobilières autour des futures gares du nouveau métro. Mais cet élan bâtisseur risque de faire long feu car selon l'ORIE le marché ne pourra pas absorber l'offre de bureaux neufs si ceux-ci sont trop chers. Dans un contexte de pénurie de la demande, les investisseurs privilégieront un nombre limité de gares, plutôt proches de la capitale.
TAUX DE VACANCE ÉLEVÉ
L'Ile-de-France compte déjà un taux de vacance du bureaux de 7%, un niveau qui n'est ni « raisonnable » ni « sain », selon l'ORIE. Déjà confrontée à l'obsolescence grandissante de son parc immobilier, la région risque de voir se développer des immeubles en friche qui ne trouveront pas d'acquéreurs, surtout loin de la capitale.
Pour éviter ces écueils, les grands groupes du bâtiment et de l'immobilier réclament une refonte de la réforme fiscale sur les bureaux. « Une mesure d'équité serait d'asseoir le financement du Grand Paris davantage sur l'ensemble des bureaux existants », affirme Alexis Perret, directeur général délégué de Nexity.
La Fédération des promoteurs immobiliers d'Ile-de-France plaide pour la suppression de la contribution de la RCB au financement du Grand Paris et préconise le recours au seul emprunt d'Etat. « Dans un contexte de crise économique, nous ne pouvons plus être les vaches à lait des grands projets d'infrastructures », assure son président, Hervé Manet, patron d'Icade Promotion, sous peine de freiner encore l'économie. » Jusqu'ici, le gouvernement est resté sourd à cette alerte.