Le Monde.fr avec AP et Reuters | 05.02.2014 à 12h13 • Mis à jour le 05.02.2014 à 20h23
Dans un rapport très sévère publié mercredi 5 février, le comité des Nations unies sur les droits de l'enfant (CRC) demande au Vatican le « renvoi immédiat » de tous les ecclésiastiques coupables ou soupçonnés d'actes pédophiles.
Le Vatican a réagi en milieu de journée, disant « [prendre] acte des observations finales », qu'il examinera « avec attention » mais a dénoncé « une tentative d'ingérence dans l'enseignement de l'Eglise sur la dignité de la personne et l'exercice de la liberté religieuse », en allusion aux critiques du comité sur les positions du Saint-Siège contre l'avortement et la contraception.
Dans le rapport, le CRC écrit être :
« gravement préoccupé [de voir] que le Saint-Siège n'a pas reconnu l'étendue des crimes commis, n'a pas pris les mesures nécessaires pour faire face à ces affaires de pédophilie et pour protéger les enfants, et a adopté des politiques qui ont entraîné la poursuite de ces abus et l'impunité pour leurs auteurs ».
Le CRC commande par ailleurs le défèrement de tous les pédophiles au sein de l'Eglise mais aussi que le Saint-Siège rende publiques ses archives sur les affaires de pédophilie dont il a eu à prendre connaissance, afin que « ceux qui ont caché leurs crimes » soient amenés à rendre des comptes. Enfin, le comité souhaite une réforme du droit canon afin d'assurer une meilleure protection des enfants, grâce à des « règles, des mécanismes et des procédures clairs ».
Interrogée sur la question de savoir si le rapport revenait à dire que le Vatican viole la Convention sur les droits de l'enfant de 1989 dans les affaires de sévices sexuels, la présidente du CRC Kristen Sandberg a répondu par l'affirmative : « Il y a une violation de la Convention jusqu'à maintenant parce qu'ils n'ont pas fait tout ce qu'ils auraient dû. »
Les conclusions de l'ONU ont été rendues publiques après une rencontre houleuse entre des experts du CRC et une délégation du Vatican, qui avait eu lieu le 16 janvier. De nombreuses questions avaient été posées par les membres du comité :
« Pourquoi n'y a-t-il pas de déclarations obligatoires [des actes de pédophilie connus de l'Eglise] auprès des autorités judiciaires du pays où les crimes sont commis ? Quelles modifications ont été apportées au code de conduite pour empêcher ces sévices sexuels ? Quelles sanctions ont été prises contre les membres du clergé ayant eu une conduite inadéquate ? Quelles mesures ont été prises pour affronter ce problème et changer la situation ? Qu'en est-il de la coopération avec les autorités locales ? Qu'en est-il des réparations pour les victimes ? »
DES MILLIERS DE CRIMES
Dans ses réponses, la délégation du Vatican avait défendu vigoureusement son action contre la pédophilie dans l'Eglise. Le représentant du Vatican auprès des Nations unies à Genève, Mgr Silvano Tomasi, avait répété à plusieurs reprises que ce qui se passait au Saint-Siège restait de la seule compétence du Vatican. « Le suivi des cas individuels est laissé aux églises locales, car c'est là où se trouve le problème », avait renchéri un autre membre de la délégation.
Les représentants du Vatican avaient alors rappelé que le Vatican a signé la Convention des droits de l'enfant en 1990, et ses protocoles (dont l'un concerne la pornographie impliquant des enfants) en 2000. C'est à cette époque que les crimes, commis sur des milliers d'enfants par le clergé, surtout dans les années 1960, 1970 et 1980, avaient commencé à faire surface aux Etats-Unis. Le scandale était double, la haute hiérarchie de l'Eglise ayant également été accusée souvent d'avoir protégé les coupables, en les mutant, pour préserver la bonne réputation de l'institution.
Pendant le pontificat de Benoît XVI, le Vatican a demandé pardon aux victimes. Des consignes de tolérance zéro ont été données aux évêques. La collaboration avec les autorités civiles a été recommandée. Mais les associations estiment qu'il ne s'agit que de bonnes paroles.