Le Monde.fr avec AFP | 29.01.2014 à 04h08 • Mis à jour le 29.01.2014 à 11h18
Lors de son discours annuel sur l'état de l'Union prononcé, mardi 28 janvier, le président américain, Barack Obama, a clairement pris ses distances avec un Congrès souvent divisé en annonçant plusieurs décrets. En agissant ainsi, il prend le risque de compliquer encore les relations déjà tendues entre démocrates, majoritaires au Sénat, et républicains, qui contrôlent la Chambre des représentants.
« Les inégalités se sont creusées, a-t-il notamment constaté. L'ascenseur social est en panne. Le fait est que même au plus fort de la reprise, trop d'Américains travaillent plus que jamais juste pour maintenir leur niveau de vie. Et ils sont encore trop nombreux à ne pas travailler du tout. »
Lire les réactions des républicains : Les promesses d'Obama « ne résoudront pas les problèmes actuels des Américains »
http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2014/01/29/les-promesses-d-obama-ne-resoudront-pas-les-problemes-actuels-des-americains_4356064_3222.html
Appel à une forte hausse du salaire minimal
M. Obama a ainsi appelé à augmenter fortement le salaire minimal, bloqué depuis 2009 à 7,25 dollars de l'heure, en dépit de la farouche opposition des républicains au Congrès. « Donnez une augmentation à l'Amérique ! », a-t-il exhorté, annonçant qu'il prendrait « dans les prochaines semaines » un décret relevant de près 40 % le salaire minimal des quelque 560 000 fonctionnaires fédéraux :
« Dans les prochaines semaines, je prendrai un décret ordonnant les entreprises bénéficiant de contrats publics d'accorder un salaire juste d'au moins 10,10 dollars de l'heure à leurs employés, parce que si vous cuisinez pour nos troupes, si vous lavez leur vaisselle, vous ne devriez pas être contraint de vivre dans la pauvreté. »
M. Obama, qui avait déjà appelé à une augmentation de ce salaire en 2013, a reconnu qu'il avait besoin du Congrès, dominé en partie par les républicains, pour porter à 10,10 dollars de l'heure le salaire minimal dans l'ensemble du pays et éviter que des salariés soient contraints « d'élever leur famille dans la pauvreté ». John Boehner, président républicain de la Chambre des représentants, avait plus tôt dans la journée déjà redit son opposition à toute hausse du salaire minimal.
Il n'y a pas de réel salaire minimal national au Etats-Unis. Celui fixé par l'Etat fédéral sert de référence, mais il ne s'impose pas d'autorité aux Etats. Ceux-ci fixent leur propre salaire minimal, qui est souvent supérieur à cette référence dans les grands Etats, comme la Californie, New York ou le Texas. Mais les Etats bénéficient également d'innombrables dérogations, ce qui maintient le salaire minimal local à un étiage souvent inférieur, surtout dans les Etats peu industrialisés.
Lire nos explications : Etats-Unis : la hausse des salaires au cœur du débat
http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/03/13/etats-unis-la-hausse-des-salaires-au-coeur-du-debat_1847150_3234.html
Egalité salariale entre hommes et femmes
M. Obama s'est également taillé un beau succès en défendant l'égalité salariale des hommes et des femmes avec une référence à la populaire série télévisée Mad Men :
« Aujourd'hui, les femmes représentent environ la moitié de la main-d'œuvre. Mais elles gagnent toujours 77 cents quand les hommes gagnent 1 dollar. C'est mal, et en 2014, c'est embarrassant. Une femme mérite d'obtenir le même salaire pour le même travail. Elle mérite d'avoir un bébé sans avoir à sacrifier son emploi. »
« Il est temps de se débarrasser de règles qui relèvent d'un épisode de Mad Men sur le lieu de travail, a-t-il lancé sous les applaudissements et les rires de l'assistance. Je pense sincèrement que lorsque les femmes réussissent, les Etats-Unis réussissent. »
Cory Remsburg, blessé en Afghanistan, a été qualifié de "héros" par le président américain lors de son discours, le 28 janvier.
Fermeture de la prison de Guantanamo
Après avoir promis lors de ses campagnes électorales de fermer la prison, encore ouverte, de Guantanamo, M. Obama a réitéré son intention de le faire « cette année », qui doit être « celle où le Congrès lève les restrictions restantes sur les transfèrements de détenus, et où nous fermons la prison de Guantanamo Bay ».
Le président américain s'était engagé à fermer cette prison en l'espace d'un an en 2009, mais les manœuvres de blocage du Congrès, notamment en raison du transfèrement de certains prisonniers sur le sol américain, ont eu raison de cette promesse.
Lire notre éditorial : Guantanamo : Obama n’a pas tenu parole
http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/04/19/guantanamo-obama-n-a-pas-tenu-parole_3162916_3232.html
Une réforme de l'immigration nécessaire
Quant à ce qui devait être son grand chantier de second mandat, une réforme de l'immigration, M. Obama l'a abordé en expliquant qu'il était « temps de réparer [un] système qui ne fonctionne pas » :
« Républicains et démocrates au Sénat ont agi. Je sais que les membres des deux partis à la Chambre veulent faire de même. Les économistes indépendants affirment que la réforme de l'immigration fera croître notre économie et réduira les déficits de près de 1 000 milliards de dollars au cours des deux prochaines décennies. »
Iran : veto contre de nouvelles sanctions
Le président américain a prévenu qu'il opposerait son veto à toutes sanctions contre l'Iran qui seraient votées par le Congrès pendant les négociations sur le programme nucléaire de Téhéran. « Que ce soit clair : si le Congrès m'envoie maintenant une nouvelle loi de sanctions qui menace de faire dérailler ces pourparlers, j'y apposerai mon veto, a prévenu le président des Etats-Unis. Ces négociations seront difficiles, elles peuvent ne pas réussir. »
L'Iran et les grandes puissances réunis dans le groupe des « 5 + 1 » (Etats-Unis, Chine, Russie, France, Royaume-Uni, et Allemagne) ont scellé le 24 novembre à Genève un accord provisoire de six mois, qui gèle certaines activités nucléaires sensibles de l'Iran en échange d'une levée partielle des sanctions occidentales. Ce premier règlement est entré en vigueur le 20 janvier et les discussions doivent reprendre à la mi-février à New York pour tenter de conclure un accord global devant assurer que la nature du programme nucléaire iranien est exclusivement pacifique.
« Avec nos alliés et partenaires, nous sommes impliqués dans des négociations pour voir si nous pouvons parvenir à l'objectif que nous partageons tous : empêcher l'Iran d'avoir une arme nucléaire », a-t-il répété.
Evolution de la menace terroriste
Concernant Al-Qaida, M. Obama a estimé que si les Etats-Unis ont mis l'organisation « sur le chemin de la défaite », « la menace a évolué » et des groupes affiliés s'enracinent ailleurs, comme au Yémen, en Somalie, en Irak et au Mali :
« D'autres extrémistes s'enracinent dans différentes parties du monde. Au Yémen, en Somalie, en Irak et au Mali, nous devons continuer à travailler avec nos partenaires pour affaiblir ces réseaux et les rendre inopérants. En Syrie, nous soutiendrons l'opposition qui rejette le programme des réseaux terroristes. »