Le Monde.fr avec AFP, AP et Reuters | 26.01.2014 à 21h32 • Mis à jour le 27.01.2014 à 08h22
A l'Assemblée nationale constituante après le vote de la Constitution le 26 janvier.
L'Assemblée nationale constituante (ANC) tunisienne a adopté, tard dans la soirée dimanche 26 janvier, la nouvelle Constitution du pays, plus de trois ans après la révolution qui avait déclenché le printemps arabe. Les élus de l'ANC ont approuvé cette loi fondamentale à une majorité écrasante de 200 voix pour, 12 contre et 4 abstentions. Les 149 articles du texte avaient déjà été approuvés un par un lors de débats houleux entre le 3 et le 23 janvier, opposant notamment Ennahda et ses détracteurs.
Les élus ont célébré l'évènement en chantant l'hymne national, brandissant des drapeaux tunisiens et les doigts en signe de victoire. Ils ont scandé « fidèles, fidèles au sang des martyrs de la révolution » de janvier 2011, qui chassa Zine El Abidine Ben Ali du pouvoir. « Nous sacrifions notre âme et notre sang pour toi, Tunisie », ont-ils aussi crié, dans un moment d'unité rare dans cet hémicycle, après deux années marquées par les invectives et les controverses.
ÉVITER TOUTE DÉRIVE AUTORITAIRE
« Dans cette Constitution, tous les Tunisiens et Tunisiennes se retrouvent, elle préserve nos acquis et jette les fondements d'un Etat démocratique », a déclaré le président de l'Assemblée, Mustapha Ben Jaafar. Ce texte consacre un exécutif bicéphale et accorde une place réduite à l'islam. Elle introduit aussi pour la première fois dans le monde arabe un objectif de parité homme-femme dans les assemblées élues.
A l'Assemblée nationale constituante après le vote de la Constitution le 26 janvier.
Ce compromis vise à éviter une dérive autoritaire dans un pays qui a connu plus d'un demi-siècle de dictature, sous Habib Bourguiba, puis sous Ben Ali. Mais aussi à rassurer ceux qui craignaient que les islamistes n'imposent leurs positions dans un pays à forte tradition séculière. L'Assemblée a été élue en octobre 2011 et devait à l'origine achever la loi fondamentale en un an, mais ses travaux ont pris un retard considérable en raison de crises à répétition.
Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a aussitôt salué l'adoption de cette Constitution, qu'il a qualifiée « d'étape historique », en présentant la Tunisie comme un possible « modèle pour les autres peuples aspirant à des réformes ». Il a aussi encouragé « les acteurs politiques en Tunisie à garantir que les prochaines étapes de la transition soient conduites d'une manière paisible, inclusive et transparente », et à « garantir que la croissance économique soit obtenue de manière équitable et durable ».
UN NOUVEAU GOUVERNEMENT FORMÉ
Dimanche, le premier ministre, Mehdi Jomaa, a aussi annoncé avoir présenté la composition de son gouvernement d'indépendants au président Moncef Marzouki. L'Assemblée a trois jours pour approuver le nouveau cabinet. Mehdi Jomaa, ministre sortant de l'industrie, avait été choisi en décembre par la classe politique, après de longues négociations, pour former un cabinet apolitique à même de conduire la Tunisie vers des élections en 2014, et de sortir ainsi le pays de la profonde crise politique provoquée par l'assassinat en juillet du député d'opposition Mohamed Brahmi.
Le premier ministre tunisien, Mehdi Jomaa, lors de la cérémonie de présentation du nouveau gouvernement au palais présidentiel de Carthage près de Tunis, le 26 janvier.
« J'ai formé ma liste sur la base de trois critères : la compétence, l'indépendance et l'intégrité », a expliqué M. Jomaa. Ce cabinet d'indépendants est « une équipe extraordinaire qui a conscience des défis », a-t-il dit. Les 21 ministres, dont deux femmes, sont des personnalités réputées indépendantes et apolitiques. Le portefeuille des finances revient à un économiste passé par la Banque africaine de développement, Hakim Ben Hammouda, et celui des affaires étrangères à un ancien responsable de l'ONU, Mongi Hamdi.
Le ministre de l'intérieur Lotfi Ben Jeddou, dont la nomination a été à l'origine du blocage sur la formation du cabinet, a finalement été reconduit. Certaines forces, dont les islamistes d'Ennahda, majoritaires à l'Assemblée, militaient pour son maintien, d'autres estimaient qu'il devait quitter ses fonctions car il avait servi dans l'équipe sortante, dirigée par Ennahda, et n'avait pas fait assez pour empêcher l'assassinat de Mohamed Brahmi. M. Jomaa a justifié le maintien de M. Ben Jeddou à son poste par la volatilité de la situation sécuritaire et le besoin de continuité.