La France sous le seuil des 2 enfants par femme
LE MONDE | 14.01.2014 à 13h50 • Mis à jour le 14.01.2014 à 14h58 | Par Gaëlle Dupont
810 000 bébés sont nés en 2013, soit 1,34 % de moins qu'en 2012.
Les naissances ont à nouveau reculé en 2012. C'est l'un des principaux enseignements du bilan démographique annuel de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). La donnée, sensible politiquement, est observée à la loupe par les responsables du pays, en particulier quand la politique familiale est en débat. Or, les impôts ont récemment augmenté pour les familles aisées, ce que dénonce l'opposition, qui reproche au gouvernement de mettre en péril le dynamisme démographique du pays.
Si la France compte désormais 66 millions d'habitants, les naissances ont été moins nombreuses en 2013 qu'en 2012 : 810 000 bébés sont nés, soit 11 000 de moins que l'année précédente, une baisse de 1,34 %. Depuis un pic en 2010, le nombre de nouveau-nés baisse chaque année. L'indice de fécondité est passé en 2013 sous le seuil des deux enfants par femme, à 1,99. A cela s'ajoute une mortalité élevée – 572 000 personnes sont décédées. Au final, la population française a augmenté de 300 000 personnes, la plus faible progression depuis 2000.
Les démographes relativisent cependant ces données, estimant que les fondamentaux de la France restent bons. « Ce n'est pas un effondrement, mais un léger repli, commente Pascale Breuil, chef de l'unité des études démographiques et sociales de l'Insee. Nous restons proches du seuil de renouvellement des générations, qui est de 2,1 enfants par femme. »
La France reste aussi, avec l'Irlande, dans le peloton de tête de l'Union européenne. Elle garde sa spécificité : une croissance démographique qui repose surtout sur le solde naturel (la différence entre le nombre des naissances et celui des décès), et non sur le solde migratoire, comme l'Allemagne ou la Grande-Bretagne. Avec 0,4 %, sa croissance démographique reste supérieure à la moyenne de l'Union européenne (0,2 %). La France concentre 13,1 % de la population de l'UE. Seule l'Allemagne est plus peuplée (16,1 %). Viennent ensuite le Royaume-Uni (12,7 %) et l'Italie (11,9 %).
Les statisticiens ne sont pas en mesure d'expliquer le recul de la natalité, qui est plus marqué dans la première partie de l'année. « Il s'agit d'une somme de décisions individuelles, rappelle Mme Breuil. Des évolutions sociétales, des débats politiques, la conjoncture économique peuvent avoir un impact, mais dans le contexte français, il reste d'ampleur faible d'une année sur l'autre, et est donc difficile à démontrer statistiquement. »
L'ESPÉRANCE DE VIE REPART À LA HAUSSE
Laurent Toulemon, démographe à l'Institut national d'études démographiques (INED), souligne qu'après la crise économique de 2008, « la fécondité a réagi dans beaucoup de pays européens ». « C'est aussi le cas en France mais moins fortement, souligne-t-il. Elle n'a pas connu de cassure comme d'autres pays. La natalité reste élevée et stable. »
Les politiques sociales et familiales françaises jouent un rôle dans cette stabilité, comme la confiance que les familles leur portent. Celle-ci a-t-elle pu être entamée par les restrictions subies par les ménages les plus aisés, annoncées d'abord à l'automne 2012, puis en juin 2013 ? M. Toulemon est sceptique, car la décrue avait commencé avant. « Le tour de vis financier est plutôt devant nous », ajoute-t-il.
Quant à la mortalité élevée, elle n'est pas liée à la conjoncture, même si une épidémie de grippe de treize semaines (la plus longue survenue en métropole depuis 1984) et une forte vague de chaleur en juillet ont provoqué un peu plus de décès que d'habitude.
La cause remonte beaucoup plus loin : à la première guerre mondiale, marquée par un déficit de naissances, qui a abouti, plusieurs décennies plus tard, à un nombre relativement faible de décès. Mais les générations plus nombreuses nées entre les deux guerres arrivent désormais à des âges où les taux de mortalité sont importants, ce qui augmente mécaniquement le nombre de morts chaque année.
Cette hausse a toutefois été limitée par l'augmentation de l'espérance de vie, qui repart à la hausse après avoir marqué le pas en 2012. Elle s'établit à 85 ans en moyenne pour une femme et 78,7 ans pour un homme. L'écart entre hommes et femmes diminue, comme partout en Europe.
La tendance à l'essoufflement démographique va se poursuivre, vieillissement de la population oblige. « Le ralentissement de la croissance est inscrit dans la pyramide des âges », estime Mme Breuil. « La population augmentera de moins en moins, renchérit M. Toulemon. Nous allons passer à un régime stationnaire où elle sera à peu près constante. » Cela, bien sûr, à condition que l'exception française en matière de natalité demeure.
Gaëlle Dupont
Journaliste au Monde Suivre Aller sur la page de ce journaliste
La population augmente près des grandes villes
Entre 1982 et 2011, la France a gagné 9,4 millions d’habitants. Selon l’Insee, les grandes aires urbaines ont capté l’essentiel de cette croissance, tandis que les petits bassins d’emploi ont une démographie peu dynamique. Pour 20 %, la croissance a eu lieu dans l’aire urbaine de Paris et pour 30 % dans les treize plus grandes aires urbaines en régions. Dans ces aires, les communes périurbaines sont toujours plus dynamiques que l’agglomération elle-même. Elles s’étendent jusqu’à 100 km autour de Paris, 50 km autour de Bordeaux, Toulouse et Lyon, 30 km autour de Nantes ou Montpellier. Depuis 2006, la croissance ralentit dans les aires de Lille, Strasbourg et Nice ; elle accélère dans la partie française de Genève. Le littoral méditerranéen est moins attractif que la côte atlantique. Dans de plus en plus de villes moyennes ou de régions rurales éloignées de métropoles régionales, la population stagne ou baisse.