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Elizabeth II fête ses 60 ans de règne : pourquoi est-elle si populaire ?
LE PLUS. Elle est le symbole de la famille royale britannique. Elizabeth II célèbre ses soixante ans sur le trône cette année, avec une côte de popularité qui n'a jamais été aussi importante dans le royaume. Stéphane Bern, spécialiste des têtes couronnées, explique les raisons de ce fort attachement des Britanniques envers leur reine.
Un photomontage des chapeaux de la reine d'Angleterre.
En pleine crise économique et financière, nos voisins britanniques s’apprêtent à célébrer avec faste le jubilé de diamant de leur reine, Elizabeth II. Certes, non sans calcul, l’économie espère bien engranger quelques bénéfices de la concordance de deux événements majeurs aux répercutions internationales : ce soixantième anniversaire de règne de la souveraine célébré du 3 au 5 juin prochains et les Jeux olympiques de Londres à l’été.
Elizabeth II lors d'une visite au Pays de Galles, le 1er avril 2011.
"Le vrai chef d’œuvre est de durer"Le prince de Metternich, qui fut l’artisan du Congrès de Vienne pacificateur de l’Europe en 1815, aimait répéter que "le vrai chef-d’œuvre est de durer". C’est assurément un privilège tout à fait royal de pouvoir inscrire son empreinte dans la durée même si les monarchies constitutionnelles d’Europe ne confèrent plus aux souverains qu’un rôle symbolique et un pouvoir moral.
Néanmoins, au fil des ans, ne tenant leur légitimité d’aucune vague électorale, placés par l’Histoire sur un piédestal au-dessus des partis et des intérêts particuliers, les reines et les rois de la vieille Europe incarnent, particulièrement en ces temps de crise, la permanence de nations à la recherche de leur identité.
Nos voisins britanniques, frappés de plein fouet par la récession et la crise financière, gardent l’illusion d’être une grande puissance mondiale car ils possèdent encore le plus fier symbole hiératique : Elizabeth II, par la grâce de Dieu reine de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, souveraine de seize Etats indépendants, chef du Commonwealth réunissant cinquante-quatre Etats et deux milliards de fidèles et loyaux sujets.
À 86 ans, elle est une icône intemporelle qui se moque des modes, une figure maternelle et protectrice, sorte de mère bienfaisante de la nation. La reine Elizabeth permet aux Britanniques de croire toujours en leur destin hors du commun. C’est la raison pour laquelle ils vont célébrer avec ferveur le jubilé de diamant marquant son soixantième anniversaire de règne marqué par un sens aigu du devoir. Son exemple, unique dans l’Histoire depuis son aïeule la reine Victoria qui régna 64 ans, force l’admiration de tous.
Assurément, la doyenne des chefs d’Etats du monde en exercice (seul le roi Bhumibol de Thaïlande règne depuis plus longtemps qu’elle) défie toutes les règles de l’usure du pouvoir en jouissant d’une popularité qui, après avoir connu quelques éclipses, brille au zénith et rend jaloux les plus fiers candidats aux élections présidentielles !
Un monument nationalÀ l’heure du jeunisme et de l’obsolescence, celle qui règne sur un milliard de loyaux sujets à travers les pays du Commonwealth incarne la victoire de l’expérience et de la continuité. Même l’Australie, le Canada et la Nouvelle-Zélande ont remis à plus tard tout désir d’émancipation républicaine. Quel est donc son secret ? Elizabeth II Regina est un roc dans la tempête, celle qui a connu les affres de la Blitzkrieg (l'invasion éclaire de la Pologne par l'Allemagne nazie), les privations de l’après-guerre, les crises énergétiques, les attentats de l’IRA… et regarde avec colère les errements de la crise financière tout en apportant sa compassion à ceux qui souffrent.
En soixante ans de règne, Elizabeth II est devenue une figure marmoréenne, un monument national, une figure de cire (de celles, dont disait Orwell, qui nous évitent les Hitler et les Staline) qui permet à la nation de traverser toutes les épreuves sans perdre son identité ni son moral. De fait, en six décennies, Elizabeth II a effectué pas moins de dix fois le tour du monde dont elle connaît tous les chefs d’Etat, confessé le mardi soir à 18h douze Premiers Ministres de Winston Churchill à David Cameron, et incarné sans défaillir la continuité, l’identité et l’unité nationales.
Certes, elle règne mais ne gouverne pas, et son rôle symbolique se réduit à "être consultée, encourager et mettre en garde". En vérité, le pouvoir de la reine est bien supérieur à ce que prévoient les institutions britanniques : elle incarne profondément l’Angleterre dans ce subtil mélange de femme middle class qui n’aime que les chevaux, les chiens et la campagne, tout en jouant avec une allure intemporelle son rôle protocolaire de souveraine vibrant à l’unisson de son peuple.
L’essentiel de son travail n’est pas tant de présider les cérémonies officielles, mais de préserver la mystique royale … ayant banni à tout jamais l’idée de prendre sa retraite comme un fonctionnaire. Ointe par les saintes huiles à Westminster lors de son sacre, elle mourra sur le trône. Elizabeth II espère secrètement battre le record de longévité de son aïeule et modèle, la reine Victoria, le 9 septembre 2015 ! Elle n’aura alors que 89 ans.