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Hollande : les coulisses d'un voyage au pas de charge
Mis à jour le 15/12/2013 à 09:15 - Publié le 14/12/2013 à 22:42
François Hollande à son arrivée à l'aéroport de Cayenne, vendredi.
François Hollande a achevé samedi soir une visite de trois jours au Brésil et en Guyane. Revue de détails d'un déplacement au pas de charge.
L' «émotion» du président en survolant Kourou et l'ile du DiableVendredi soir, dans la somptueuse résidence du préfet de Guyane, à Cayenne. Hollande, les ministres et les élus de la délégation, dinent sous le carbet du jardin tropical. Le président bombarde Christiane Taubira de questions sur la Guyane. «Et l'Ile du Diable, qu'en reste t il?», demande-t-il. «Je veux y aller!» Ses services font valoir que le programme est déjà serré. Hollande s'entête. Le lendemain, il survole en hélicoptère cette petite ile rocheuse, ancien bagne pour les prisonniers politiques, où Alfred Dreyfus fut détenu. Au centre spatial de Kourou, où il arrive dans la foulée, le président, pourtant réputé pour n'avoir «aucun affect», fait part de son «émotion» d'avoir survolé cet ancien bagne où le «capitaine Dreyfus a passé des années douloureuses».
Dans la salle Jupiter du centre spatial de Kourou, Hollande renoue aussi avec les joies de son enfance. «C'est comme s'y on y était!», s'ébaudit-il, après avoir assisté, sur écran géant, au tir d'une fusée, lors d'une simulation. «C'est impressionnant d'être avec Jupiter, qui peut décider de tout!», plaisante un président en verve et manifestement grisé de se trouver au cœur de la base spatiale du CNES. Évoquant son enfance, il ajoute: «C'était il y a longtemps, il n'y avait qu'une seule chaine de télévision, en noir et blanc, et nous regardions le départ des fusées». Des étoiles dans les yeux…
L'ombre de Nicolas Sarkozy Nicolas Sarkozy et François Hollande mardi à Johannesburg, lors de la cérémonie en l'honneur de Nelson Mandela.
En janvier 2012, à Cayenne, Nicolas Sarkozy avait confié aux journalistes qu'il arrêterait la politique s'il perdait l'élection présidentielle. «Vous n'entendrez plus jamais parler de moi», avait-il lancé, dans la moiteur de la nuit guyanaise. Deux ans plus tard, Sarkozy prépare son retour pour 2017 et c'est son successeur qui effectue à son tour un déplacement à Cayenne. Mardi dernier, Hollande et Sarkozy ont assisté ensemble à Soweto à l'hommage rendu à Nelson Mandela. Des photos montrent les deux présidents en pleine conversation, presque complices. Au menu des échanges: la situation internationale, ce que Sarkozy «a fait en son temps», «ce que Hollande fait aujourd'hui…». «Pas de politique», jurent des proches du président. L'inimitié entre les deux hommes, qui ne se sont pas épargnés pendant la campagne, est connue. Mais le «bashing» dont l'un et l'autre ont été victimes, dès leur entrée en fonction, les aura peut-être rapprochés, le temps d'une cérémonie.
«Hollande a longtemps cru que la violence de la presse contre Sarkozy ne l'était que parce que c'était Sarkozy», raconte un ministre. Forcément, il ne le croit plus. Au Brésil et en Guyane, Hollande a tourné les talons dès qu'une question sur Sarkozy lui était posée par la presse. Mais devant des membres de sa délégation, il a confié qu'il regrettait l'interprétation qui avait été faite de la cérémonie de la passation des pouvoirs, en 2012, à l'Élysée: Sarkozy n'avait pas apprécié que son successeur n'attende pas qu'il ait rejoint sa voiture pour tourner les talons et regagner l'Élysée. «Ce n'est pas du tout le sentiment qui existait quand on a fait cette passation des pouvoirs, a raconté Hollande. La discussion entre nous a été apaisée, responsable. Ce n'était pas froid.» Le président refuse de se prononce pas sur une éventuelle candidature de Sarkozy en 2017. «Rien ne se passe jamais comme prévu», explique un conseiller élyséen, qui ajoute: «Qui aurait pu penser que 2012 se déroule avec ces candidats?» En 2012, lors d'une visite du salon de l'agriculture, Hollande avait plaisanté, répondant à la question d'un enfant sur Sarkozy: «Tu ne le verras plus…» En fait, c'était: «pas tout de suite…», a nuancé Hollande, à Cayenne, dans un sourire.
La nostalgie de ChristianeTaubira Christiane Taubira lors de son arrivée en Guyane vendredi avec le président, François Hollande.
Retour aux sources pour la ministre de la Justice, qui accompagnait le chef de l'État dans ce déplacement. Depuis qu'elle est ministre, Christiane Taubira ne peut plus retourner aussi souvent qu'elle le voudrait en Guyane, dont elle était l'élue. Avant 2012, elle y allait «trois fois par mois». Mais cette dernière année, elle n'a pu y retourner que deux fois: huit jours en août et pour le week end du 11 novembre. «Je n'y vais plus, c'est dur», soupire la garde des Sceaux, nostalgique de «l'hygiène de vie» qu'elle avait à Cayenne: «J'allais sur la plage à vélo, je marchais en forêt, c'était une autre façon de vivre, de se poser…» Taubira, qui supporte mal les hivers européens, «rudes et humides», regrette aussi le climat amazonien.
Dilma Rousseff, «la Martine Aubry brésilienne»
Au retour de son tête à tête avec la présidente du Brésil, Dilma Rousseff, jeudi à Brasilia, François Hollande a débrieffé avec des membres de sa délégation. «Elle n'est pas commode», leur a confié le président, en soupirant. «C'est la Martine Aubry du Brésil», a rigolé un membre de la délégation. Sur le fond, Hollande s'est félicité de n'avoir pas eu à subir les critiques de son homologue brésilienne sur l'intervention de la France en Centrafrique. Rousseff n'avait pas caché sa désapprobation devant l'intervention française au Mali. «Sur la Centrafrique, elle a gardé le silence, c'était la meilleure des positions, raconte un conseiller elyséen. Elle a (même) dit qu'elle comprenait ce que nous faisions.» Avant de quitter le Brésil, vendredi, le président français a rendu hommage à Rousseff, à l'issue d'une rencontre avec les milieux d'affaire de Sao Paulo: «Ce déplacement était trop court. Nous aurions du repartir demain. Ce qui nous aurait permis d'être là, avec Dilma, pour son anniversaire.»
Hollande au chevet des journalistes
La densité du programme de ce voyage officiel éclair (une journée et demie au Brésil, la même chose en Guyane, et deux nuits dans l'avion) a fait quelques victimes collatérales: deux journalistes et un soldat brésilien ont tourné de l'œil, à Sao Paulo. Les médecins de l'Élysée se sont inquiétés d'un programme beaucoup trop chargé. A son arrivée à Cayenne, le président s'est enquis de la santé des intéressés: «Il parait que ça se passe mal? Je viens pour l'examen médical…» , a t il rigolé avant de lancer, un brin goguenard: «Soignez-vous bien. A demain!»