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Dépistage sanguin de la trisomie 21 : des réticences
Publié le 13/12/2013
Ce test disponible en France depuis peu doit être réservé aux femmes présentant un risque accru de porter un enfant trisomique, estiment les gynécologues.
Simplifier une démarche lourde, tant du point de vue clinique que psychologique: c'est la promesse du dépistage prénatal sanguin de la trisomie 21. Ce test non invasif permet, par une simple prise de sang effectuée sur la mère, de dépister cette anomalie génétique chez le fœtus. Proposé en France depuis l'automne par le laboratoire privé Cerba, ce test soulève cependant des réticences chez les spécialistes, qui ont présentés leurs arguments mercredi à l'occasion du congrès du Collège national des gynécologues-obstétriciens français (CNGOF).
Les travaux sur cette innovation débutent en 1997, lorsque des généticiens observent que des fragments d'ADN libres du fœtus sont présents dans le plasma maternel dès les premières semaines de grossesse. Au cours de la décennie qui suivra cette découverte, l'augmentation rapide des capacités de séquençage des acides nucléiques (ADN, ARN) permet de développer une analyse du génome fœtal à partir du sang maternel, sans risque pour la femme enceinte.
Mais en l'état actuel des connaissances, l'ensemble des conseils scientifiques français relatifs à l'obstétrique*, à l'instar des conseils canadiens ou britanniques, ne recommande pas la généralisation du test à toutes les futures mères. Faute de données suffisantes sur sa fiabilité et son intérêt en population générale, les experts estiment en effet que son intérêt n'est réel que chez les femmes à risque.
Eviter l'amniocentèse inutile
Le dépistage actuel, proposé de manière systématique au premier trimestre de grossesse depuis 2009, comprend une échographie et la recherche d'hormones appelées marqueurs sériques. Ces données sont ensuite mises en regard de l'âge de la femme enceinte, car plus la mère est âgée, plus la fréquence de la trisomie augmente. A l'issue de ce dépistage dit «combiné», certaines femmes sont alors classées comme «à risque» car la probabilité qu'elles portent un enfant trisomiquee dépasse une sur 250. Selon le CNGOF, le test sanguin n'aurait d'intérêt que pour ces patientes, car il pourrait leur permettre d'éviter une amniocentèse, susceptible d'entraîner une fausse couche dans 0,5 à 1% des cas.
«Si, après le dépistage combiné, le test de l'ADN fœtal est négatif, le risque est divisé par plus de 50. Dans ce cas, il permet donc d'éviter de pratiquer une amniocentèse, explique le professeur Jaques Lansac, président du CNGOF. Mais s'il est positif, le résultat doit toujours être confirmé par l'amniocentèse, car elle seule permet un diagnostic certain. Or le test n'est pas interprétable dans 2 à 5% des cas. Dans la population générale, où le risque de trisomie 21 est faible, le stress provoqué par un test non interprétable ou faussement positif et entraînant la pratique d'une amniocentèse inutile ne doit pas être négligé», met-il en garde.
Crainte d'IVG précipitées
L'analyse de l'ADN dans le sang maternel pour le dépistage de la trisomie 21 représente actuellement un coût de plusieurs centaines d'euros, à la charge de la patiente. Si le test n'est pas encore remboursé en France, il pourrait l'être une fois achevées les études d'efficacité du test. Ces dernières permettront notamment d'évaluer la baisse effective du taux des amniocentèses et des éventuelles fausses couches chez les femmes à risque, et la préférence des femmes entre les différentes approches. Une grande étude nationale devrait ainsi débuter au premier trimestre 2014, a précisé mercredi le CNGOF.
De son côté, le comité consultatif national d'éthique, dans un avis rendu le 25 avril, craignait que la généralisation du test sanguin ne favorise l'«interruption de grossesse pratiquée en cas de moindre doute, lors même du délai légal de l'IVG, par des femmes enceintes ou des couples non accompagnés». Ce test ultra précoce peut en effet être réalisé dès la 11ème semaine d'aménorrhée, soit trois semaines avant la fin du délai légal d'interruption volontaire de grossesse en France.
*Collège National des Gynécologues-Obstétriciens Français (CNGOF), Collège Français d'Echographie Fœtale ( CFEF ), Association des Biologistes Agréés pour le Dosage des Marqueurs Sériques Maternels (ABA),Conférence Nationale d'Echographie Fœtale ( CNEOF)