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Ukraine : l'Europe blâme Poutine
Publié le 29/11/2013 à 17:52
Les dirigeants européens réunis à Vilnius, vendredi, en présence de Viktor Ianoukovitch (deuxième en partant de la gauche) et Angela Merkel (deuxième en partant de la droite).
Après le rapprochement raté avec Kiev, les dirigeants de l'UE comparent le président russe à Leonid Brejnev.
L'Europe, ulcérée par les menaces de Vladimir Poutine et par un rapprochement raté avec l'Ukraine, s'est offert un petit quart d'heure de guerre froide à la fin du sommet de Vilnius. Deux commentaires ciblés de Herman Van Rompuy et José Manuel Barroso ont renvoyé le président russe à un modèle qu'il aura du mal à digérer: Leonid Brejnev, l'homme de la grande glaciation soviétique, jusqu'en 1982.
C'est le placide Van Rompuy, président du Conseil, qui a ouvert le feu de l'amertume. «Nous ne céderons à aucune pression venue de l'extérieure, et encore moins à celle de la Russie», a-t-il averti au nom des vingt-huit États de l'UE. Ajustant le tir, il a précisé que l'attitude du Kremlin vis-à-vis de l'Ukraine «pourrait être en violation des accords d'Helsinki», un reproche tombé en désuétude depuis la fin du rideau de fer. Il renvoie à la confrontation Est-Ouest et aux fameux accords de 1975 sur le respect des souverainetés nationales et sur le refus de la menace en politique étrangère. L'URSS du secrétaire général Brejnev avait signé, mais aussitôt traité le texte tel un chiffon de papier.
À la même tribune, c'est José Manuel Barroso qui a puisé un peu plus tard dans les registres de la guerre froide: «Le temps est passé de la souveraineté limitée en Europe», a lancé le chef de la Commission, en référence aux pressions exercées depuis Moscou pour empêcher l'Ukraine de signer l'accord d'association avec l'UE. Là encore, le président Poutine peut difficilement croire à un compliment. La théorie de la souveraineté limitée - ou «doctrine Brejnev» - avait été énoncée par Moscou en août 1968 afin de justifier a posteriori l'invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes du pacte de Varsovie. Ce souvenir brutal hante encore la mémoire des Européens.
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Le temps est passé de la souveraineté limitée en Europe
José Manuel Barroso______________________________________________________________
L'ombre du Kremlin et la dérobade de Kiev ont pesé sur chacune des heures du rendez-vous lituanien. François Hollande, Angela Merkel et les autres dirigeants ont laissé le tandem bruxellois régler à distance des comptes avec Vladimir Poutine. Mais la déclaration officielle du sommet, seul document qui engage les vingt-huit États, se garde bien de relayer l'aigreur des présidents Van Rompuy et Barroso contre Vladimir Poutine. C'est un partage des rôles.
Le nom de la Russie n'apparaît à aucun moment dans la déclaration signée par les chefs d'État et de gouvernement. Elle prend acte d'un maigre bilan, avec le paraphe de deux accords préliminaires d'association avec la Géorgie et la Moldavie. Le texte ne mentionne l'Ukraine que pour confirmer qu'elle a décidé de «suspendre provisoirement» la discussion avec l'UE. Et c'est à son chef, Viktor Ianoukovitch, que François Hollande réserve ses griefs: «L'Ukraine ne peut pas demander, comme le voudrait son président, qu'on la paie pour entrer dans cette association. Non, on ne paie pas!», a-t-il lâché.
Combien de temps va durer le provisoire, après l'occasion manquée? Le sommet avait débuté sur l'espoir ténu que le président Ianoukovitch se laisserait fléchir à Vilnius. Dans la nuit de jeudi à vendredi, certains voulaient croire encore que l'Ukraine pourrait s'engager en février 2014. Au bout du conclave, c'est l'échéance 2015 qui était dans l'air, pour coïncider avec les présidentielles à Kiev. L'offre européenne reste sur la table, bien sûr. Mais un chef de gouvernement influent confiait que les fiançailles pourraient finalement durer «de deux à douze ans». Ce n'est qu'une promesse.