Le roi du Maroc en difficulté sur la question des droits de l'homme au Sahara occidental
La bataille perdue de Mohammed VI
Publié le 09.11.13 | 10h00
L’Algérie reste la cible idéale pour le monarque marocain lorsqu’il s’agit de voiler son échec à freiner les victoires diplomatiques enregistrées par les Sahraouis sur la question des droits de l’homme.Le roi du Maroc a-t-il surpris par son discours résolument offensif de mercredi dernier ? Pas vraiment pour qui a l’habitude de l’écouter et écouter ses porte-voix. On retiendra tout de même la tonalité assez caustique du monarque qui ne s’est pas encombré de formules diplomatiques pour éructer sa haine des autorités algériennes. De ce point de vue-là, l’Algérie en a pris pour son «rôle» dans le déclin du plan d’autonomie de Sa Majesté qui est de plus en plus en mévente à l’international. D’aucuns s’attendaient, avec un brin de naïveté certes, que le jeune roi allait dire quelques mots «gentils» après l’attaque contre le consulat d’Algérie à Casablanca et l’arrachage de l’emblème national.
Mais l’état d’esprit de Mohammed VI n’est visiblement pas aux regrets, encore moins aux excuses.
Affichant une mine de mort, il a dressé sur un ton monocorde un véritable réquisitoire contre l’Algérie, lui imputant la responsabilité entière de ce que la voix de son royaume sur la «marocanité» du Sahara occidental ne porte plus au-delà de Madrid et Paris. C’est ce reflux très visible de sa cause, chez nos «amis et partenaires occidentaux», qui a motivé ce discours «hard» durant lequel il s’est acharné sur un voisin qu’il s’est bien gardé de nommer. Morceaux choisis d’une charge assez forte contre les autorités algériennes : «Le Maroc n’a pas de leçons des droits de l’homme à recevoir, surtout pas de ceux qui bafouent systématiquement les droits de l’homme». «Quiconque souhaite surenchérir sur le Maroc n’a qu’à descendre à Tindouf et observer dans nombre de régions alentour les atteintes portées aux droits humains les plus élémentaires.» «Ils dilapident (les responsables algériens, ndlr) de la sorte les richesses et les ressources d’un peuple frère, que cette question ne concerne pas, mais se dresse plutôt comme une entrave à l’intégration maghrébine.»
Le roi de la haine de… l’AlgérieOn voit bien que le jeune roi est allé au charbon cette fois. C’est la première traduction concrète de son discours du 14 octobre dernier devant le Parlement où il avait sonné la mobilisation générale pour lancer une «offensive contre les ennemis de l’intégrité territoriale». Pour cause, Mohammed VI avouait ce jour-là que «rien n’est tranché» dans l’affaire du Sahara occidental et que cette années pourrait connaître des «évolutions décisives». Ayant sans doute pris conscience que la cause emballe de moins en moins de monde au Maroc où les préoccupations citoyennes sont ailleurs, le monarque finira par lâcher : «La question sahraouie n’est pas uniquement la cause du roi.» Il fallait donc rameuter tous les acteurs politiques, médiatiques et associatifs marocains pour une riposte organisée.
Le rappel du représentant du roi à Alger puis «l’attaque» contre le consulat d’Algérie à Casablanca participe précisément de cette volonté de «punir» ceux qu’il croit à l’origine du retour en grâce de l’exigence internationale d’un mécanisme de surveillances des droits de l’homme dans les territoires occupés et plus généralement du droit du peuple sahraoui à l’autodétermination.
Le doute s’installeL’Algérie est donc la parfaite cible de Sa Majesté qui, dans le même temps, cache son cuisant échec diplomatique à faire avaler la pilule du «plan d’autonomie» et encore moins les mesures cosmétiques destinés à enrayer les violations des droits de l’homme dans les territoires occupés.Le fait est que le roi a mis sur le dos de l’Algérie y compris le financement des ONG internationales et des «fonctionnaires» des droits de l’homme pour produire des rapports défavorables au Maroc.
Ce serait à ses yeux grâce aux dollars algériens que les grands médias occidentaux, l’envoyé spécial du SG de l’ONU, Christopher Ross, voire même les Etats-Unis, sont devenus réceptifs aux violations des droits de l’homme dans les territoires occupés. Le message subliminal du roi est de convaincre ses sujets que la prise de conscience mondiale face aux souffrances du peuple sahraoui est due moins à l’échec de sa diplomatie qu’aux lobbyings «payants» de l’Algérie.
Or, c’est bien les Etats-Unis qui étaient à l’origine du fameux projet de résolution élargissant le mandat de la Minurso aux droits de l’homme en avril dernier. Une proposition qui s’était appuyée non pas sur les «dollars algériens» mais sur les rapports accablants du département d’Etat, de la Fondation Robert Kennedy et du rapporteur spécial sur la torture, Juan Mendez, et qui avaient choqué le monde et réveillé les consciences. Mais pour le roi, l’Algérie a bon dos pour justifier sa défaite sur le terrain des droits de l’homme. Il s’en est d’ailleurs donné à cœur joie mercredi dernier dans un discours presque pathétique.
Rapport accablant d’une mission internationaleUn rapport d’une mission internationale, effectué du 7 au 20 juillet au Maroc dans le cadre de la «solidarité» avec les prisonniers sahraouis au Maroc, et qui vient d’être rendu public, relève de nombreux cas de violations des droits de l’homme par les forces de sécurité marocaines et d’«intimidations» à l’encontre des membres de cette mission. Composée d’une délégation de 14 membres d’organisations non gouvernementales (ONG) française, allemande et australienne, la mission internationale, qui a notamment ciblé plusieurs prisons du Maroc, s’inscrit dans le cadre de la campagne «Ecrire pour les libérer», est-il expliqué.
L’objectif de cette mission étant de remettre aux détenus politiques sahraouis le courrier qui leur est destiné, de rendre visite aux familles de ces derniers, aux associations marocaines et sahraouies de défense des droits de l’homme et enfin de se rendre sur des sites économiques (ports de pêche) et d’autres culturels dans les territoires sahraouis occupés. Les rédacteurs du rapport ont ainsi relevé de nombreux cas de violation des droits de l’homme, d’«entraves à la libre circulation», de «surveillance accrue», d’«intimidations», de «non-respect des droits des prisonniers», de «violence et de menaces à l’encontre des familles des prisonniers», a-t-on indiqué dans ce rapport détaillé de la mission. Les membres de la mission internationale ayant visité les prisons d’Aït-Melloul et de Tiznit ont souligné par ailleurs le non-respect du «droit à la correspondance» des prisonniers garanti par les conventions internationales «ratifiées par le Maroc».
Il a également fait état de situations d’«intimidations» visant les Sahraouis et les Marocains ayant «reçu» ou «témoigné» pour la délégation internationale, de «fouilles exagérées», d’«empêchement de toute activité liée au Sahara occidental» et de «surveillance accrue des observateurs internationaux». «Les militants des droits de l’homme subissent d’importantes représailles lorsqu’ils rencontrent des observateurs internationaux», ont-ils noté. Les rédacteurs du document final ont tenu enfin à «attirer l’attention» sur le cas «spécifique» de la région de Sidi Ifni pour n’avoir jamais cessé de se revendiquer comme étant Sahraouis et qu’ils subissent de ce fait, depuis 40 ans, ont-ils assuré aux membres de la délégation, l’exclusion économique et l’«abandon sanitaire».
Algérie-Etats-Unis : report de la visite de John Kerry d’un «commun accord»La visite que devait effectuer en Algérie le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, a été reportée d’un «commun accord», a annoncé hier le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Amar Belani, dans une déclaration à l’APS. «Le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, a reçu, vendredi après-midi, une communication téléphonique du secrétaire d’Etat américain, John Kerry, qui l’a informé que le président Barack Obama lui avait demandé de se rendre à Genève dans le cadre des négociations en cours sur le programme nucléaire iranien», a expliqué M. Belani. «Le secrétaire d’Etat américain doit rentrer de Genève à Washington pour faire un rapport au président Obama et pour interagir avec le Congrès sur les développements liés au dossier nucléaire iranien», a ajouté le porte-parole du MAE.
Dans ce contexte, la partie américaine a indiqué que «toutes les étapes du périple du secrétaire d’Etat prévues pour les prochains jours ont été reportées». MM. Lamamra et Kerry ont convenu du report de la deuxième session du Dialogue stratégique entre l’Algérie et les Etats-Unis à une nouvelle date, dans les prochaines semaines, qui reste à déterminer par voie diplomatique, a précisé le porte-parole du MAE. M. Lamamra a saisi cette occasion pour exprimer les vœux de succès de l’Algérie pour les négociations en cours sur l’important dossier nucléaire iranien, a encore ajouté M. Belani.
Hassan Moali
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