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L'exécutif dans la nasse de la fronde fiscale
Mis à jour le 27/10/2013 à 22:19 - Publié le 27/10/2013 à 20:47
Les manifestations contre l'écotaxe ont dégénéré, samedi, à Pont-de-Buis (Finistère).
Le gouvernement fait face à la colère des Bretons sur l'écotaxe et au mécontentement général sur la taxation des produits de l'épargne. Coincé, il a fait en partie marche arrière, pour tenir compte de l'inquiétude des Français.
Le gouvernement a donc fait machine arrière sur la fiscalisation des produits de l'épargne. L'alignement sur le taux de 15,5 % des plans d'épargne logement et plans d'épargne en actions, de l'épargne salariale et de certains contrats d'assurance-vie est abandonné. Le ministre délégué au Budget, Bernard Cazeneuve, celui-là même qui défendait cette disposition en milieu de semaine dernière arguant de prélèvements «plus lisibles et plus simples», a annoncé dimanche, dans le JDD, l'enterrement d'une grande partie de la mesure inscrite dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Un nouveau recul qui s'ajoute à une liste déjà bien fournie de revirements fiscaux: taxe sur l'excédent brut d'exploitation, taxe sur le diesel, taux réduit de TVA.
Soucieux de ne pas donner trop de relief à la victoire de l'opposition qui dénonçait la «spoliation» des petits épargnants, l'exécutif rejette en bloc l'idée d'avoir été contraint de battre en retraite. «Ce n'est pas un recul. Le gouvernement écoute», assure-t-on à Matignon, où, samedi, on préférait employer le terme pudique d'«améliorations». Évoquant «ces inquiétudes des petits épargnants», Pierre Moscovici n'a pas dit autre chose dimanche matin, lors du «Grand Rendez-vous Europe 1-Le Monde». «Nous avons entendu», a assuré le ministre de l'Économie. «Il y a d'abord un état d'esprit, et cet état d'esprit, c'est d'entendre», a-t-il ajouté en faisant valoir qu'«écouter et entendre un pays aussi fragile, c'est aussi une vertu». «Nous voulons l'apaisement et la clarté», argumentait de son côté Bernard Cazeneuve.
Mais qu'en est-il de l'écotaxe qui a déclenché la fureur des Bretons et de la taxe à 75 %, totem du candidat Hollande, dont les clubs professionnels de football ne veulent pas entendre parler? Pour l'heure, l'exécutif semble vouloir tenir bon sur ces deux dossiers. Alors qu'à gauche plusieurs voix se sont élevées pour réclamer son «ajournement», Pierre Moscovici et son collègue de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, ont assuré dimanche que l'écotaxe entrerait bien en vigueur le 1er janvier prochain. «Le premier ministre m'a demandé de faire des propositions pour essayer d'améliorer et de corriger les effets et les difficultés. Je rendrai ces propositions demain», a annoncé Le Foll, en affirmant avoir «parfaitement entendu» et «parfaitement compris» le message exprimé par les manifestants bretons. Vendredi, François Hollande avait indiqué que la loi fiscale «sera la même pour toutes les entreprises». Une fin de non-recevoir pour les clubs de foot.
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«Il s'agit d'expédients, de mesures de rendement. Au final, les Français ont l'impression qu'on leur fait les poches»
François de Rugy, député EELV
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Reste que la colère des petits épargnants conjuguée à celle des manifestants bretons a tout l'air d'une fronde fiscale en voie de cristallisation. Dans la majorité, certains estiment d'ailleurs que la ligne rouge est désormais franchie. «Je ne sais pas si les termes de fronde ou de révolte fiscale sont les plus adaptés, relève Thierry Mandon, le porte-parole du groupe PS à l'Assemblée nationale. Mais je note qu'il y a effectivement une résistance de plus en plus forte face à l'impôt.» François de Rugy, coprésident du groupe Europe Écologie-Les Verts à l'Assemblée nationale, partage ce constat et appelle à une «grande réforme fiscale». «Je n'ai jamais cru, dit-il, que l'on pouvait être populaire en augmentant les impôts. Les hausses que subissent les Français depuis plusieurs années n'ont pas de sens puisqu'elles ne s'inscrivent pas dans des réformes. Il s'agit d'expédients, de mesures de rendement. Au final, les Français ont l'impression qu'on leur fait les poches.»
L'exécutif voulait, en début de semaine dernière, tourner rapidement la page de la dévastatrice affaire Leonarda. L'objectif était, comme l'a dit mardi le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, aux députés PS, de «faire bloc» autour de l'«essentiel», à savoir la politique du gouvernement. Le revirement fiscal du week-end a au contraire creusé un peu plus les incompréhensions entre le gouvernement et les députés PS. «Nous les avions alertés sur cette mesure et ils n'ont rien voulu entendre, affirme l'un d'eux. Bernard Cazeneuve est décidément très raide.»
Du côté de Bercy, on fait valoir que les députés PS «n'ont pas posé la moindre question lors du vote de l'article mercredi matin» et que «tous les présents ont voté la mesure». À un parlementaire socialiste, Jean-Marc Ayrault confiait samedi au téléphone: «Aucun député n'a évoqué cette mesure, mardi, lors de la réunion de groupe. Et j'ai vérifié: pas un n'a alerté mon cabinet.» Autant dire que le climat n'est pas près de s'apaiser. «Chacun se refile le mistigri», confie un parlementaire. Très inquiet, il lâche. «Nous sommes dans une crise politique grave. Nous ne pourrons pas tenir comme ça jusqu'en juillet 2014 (après les élections européennes, NDLR).» Il faut, dit-il, «un remaniement, d'urgence».