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L'usine PSA d'Aulnay, symbole de la déroute du groupe, a fabriqué sa dernière C3
Publié le 25/10/2013 à 07:00
Une assemblée générale à l'usine PSA Peugeot Citroën d'Aulnay-sous-Bois en janvier dernier.
La production du site n'a cessé de décliner depuis le point haut enregistré en 2004. Près de 420.000 véhicules avaient été assemblés sur cette seule année, seulement 135.000 en 2011.
Une dernière Citroën C3 est sortie des chaînes de montage de l'usine d'Aulnay-sous-Bois ce vendredi 25 octobre. Plusieurs centaines de milliers de C3 y ont déjà été fabriquées. Quarante ans après la création de l'usine par les Automobiles Citroën, la production s'arrête, avant une fermeture définitive l'année prochaine.
En 1973, le premier modèle sorti d'Aulnay était la mythique DS, symbole des Trente Glorieuses. L'usine a été conçue pour profiter du dynamisme économique de l'époque. Malheureusement, son inauguration a eu lieu immédiatement après le premier choc pétrolier. Elle devait fabriquer de grandes berlines. Finalement, hormis les Citroën DS et CX, seuls de petits modèles en sortiront: Citroën Visa, AX, Saxo et C3 et Peugeot 104, 205 et 106. Des Peugeot, car le propriétaire de l'usine, Automobile Citroën, passe dans le giron de Peugeot en 1976 pour donner naissance à PSA Peugeot Citroën.
- Citation :
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François Becker @beckerin
Dans l'usine sacrifiée de PSA/Aulnay, un symbole : la dernière voiture prête à quitter la production
8:23 AM - 25 Oct 2013
Sur le plan industriel, les années 1980 sont néanmoins positives. Une deuxième ligne de montage est ainsi mise en place. Elle ne sera supprimée qu'en 2008. En 1985, trois modèles différents sont fabriqués sur le site: la grande Citroën CX et les petites Citroën LN et Visa. Le site va cependant faire la une des journaux pour des raisons sociales. En 1982, une grève violente enflamme Aulnay. Officiellement, l'enjeu porte sur des augmentations salariales. Mais c'est aussi de liberté syndicale qu'il s'agit. Jusqu'alors, le site était largement dominé par un syndicat maison, la Confédération des syndicats libres (CSL). Au terme de cinq semaines d'une grève très dure, la CGT sort gagnante du bras de fer.
Ce sera le premier conflit d'une longue série. En 2007, l'usine est la seule du groupe bloquée plusieurs semaines. Ségolène Royal, candidate à l'élection présidentielle, vient même rendre visite aux grévistes. Cette tradition de lutte s'explique par l'orientation très politique de la branche locale de la CGT. Le médiatique Jean-Pierre Mercier, représentant de la CGT pour Aulnay, a ainsi été le porte-parole de Nathalie Arthaud, la candidate de Lutte ouvrière lors de la dernière élection présidentielle.
Déficit d'investissements
Cet activisme n'a pas été sans conséquence sur le devenir du site. La plupart des investissements ont été réalisés ailleurs, ces dernières années. La DS3 et la nouvelle 208 ont été localisées sur le site voisin, situé à Poissy. La future Citroën C4 Cactus, un petit SUV simple et bon marché, a été attribuée à Madrid en 2009. Même la C3, modèle fabriqué à Aulnay, est également envoyée à l'usine de Trnava, en Slovaquie, qui est l'une des plus productives du groupe. Tous ces véhicules appartiennent à la même catégorie de véhicules, le segment B. «Cette catégorie est au cœur du marché français, mais il devient très difficile de la faire rester au cœur de la production française», estime Bernard Jullien, directeur du Gerpisa, cercle de réflexion sur le secteur automobile.
Dans cet environnement concurrentiel interne, l'expert estime que le site d'Aulnay a été géré «comme une unité d'ajustement de la production depuis dix ans». Conséquence, la production n'a cessé de décliner depuis le point haut enregistré en 2004, de près de 420.000 véhicules assemblés sur cette seule année, pour tomber à 135.000 en 2011. Sans surprise, les indicateurs financiers n'ont pas été bons sur cette période, faute de volume et d'investissements humains et matériels.
Ce sont toutefois bien les conditions économiques qui dictent la fermeture, et pas une volonté de mettre à bas un site difficile à gérer. L'effondrement du marché européen des voitures neuves est passé par là. Entre 2007 et 2013, les immatriculations de véhicules neufs en Europe sont passées de près de 17 à moins de 12 millions attendus cette année. Un niveau très largement insuffisant pour assurer la rentabilité de nombre d'usines européennes. Les constructeurs les plus vulnérables - c'est-à-dire les généralistes, hormis Renault qui bénéficie du dynamisme des Dacia «low-cost» - ont été forcés de réagir. Fiat a fermé son site de Termini Imerese, en Sicile. Ford, celui de Genk, en Belgique. Opel fermera celui de Bochum, en Allemagne. Et PSA décide de sacrifier une usine.
Ce sera Aulnay. Le couperet tombe en juillet 2012, dans le cadre d'un plan d'économies drastique. Émoi au gouvernement, où Arnaud Montebourg crie à la trahison des Peugeot. Le tout nouveau gouvernement de François Hollande a conscience que le sujet est explosif. PSA Aulnay, ce sont 3000 emplois au cœur de la Seine-Saint-Denis, un département sinistré par la crise. La CGT est forcément moins surprise. En 2011, le syndicat avait «sorti» un document interne de la direction qui planifiait la fermeture d'Aulnay… en 2014.