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Terrorisme : l'agenda caché d'Aqmi au Mali
Publié le 07/10/2013 à 11:19Abdelmalek Droukdel, alias Abou Moussab Abdelwadoud, le chef d'AQMI
Un document retrouvé à Tombouctou datant de juillet 2012 révèle qu'al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) voulait mettre sur pied une administration de façade composée de Touaregs, pour mieux imposer un émirat islamiste dans le Nord du Mali.
Comment duper les populations locales pour mettre en place un Etat islamiste. La stratégie envisagée pour mener à bien ce projet est au coeur d'une «feuille de route», composée de six chapitres et rédigée en arabe classique par l'Algérien Abdelmalek Droukbel, alias Abou Moussa Abdelouadoud, le chef d'AQMI. Daté du 20 juillet 2012, le document est intitulé «Directives générales relatives au projet islamique djihadiste dans l'Azawad», un terme utilisé par les Touaregs pour désigner le Nord du Mali. Il préconise de ne pas faire apparaître AQMI dans les instances locales, afin de duper les populations et de ne pas provoquer une réaction de la communauté internationale.
«L'intervention étrangère sera imminente et rapide si nous avons la main sur le gouvernement et si notre influence s'affirme clairement», écrit Abdelmalek Droukdel, dans le document retrouvé en février dernier à Tombouctou par des journalistes de Libération et de Radio France Internationale. Comprenant une quinzaine de pages, le texte gisait à même le sol dans les locaux dévastés de la Radio-Télévision malienne abandonnés à la hâte par les djihadistes devant l'avancée des troupes françaises de l'Opération Serval, déclenchée le 11 janvier.
«L'ennemi aura plus de difficulté à recourir à cette intervention si le gouvernement comprend la majorité de la population de l'Azawad, que dans le cas d'un gouvernement d'al-Qaïda ou de tendance salafiste jihadiste», écrit Droukbel. Son objectif est bien l'instauration d'un Etat - ou d'un émirat islamiste- dont il souhaite confier la direction au chef du mouvement touareg Ansar Dine, Iyad ag Ghalib, mais en l'encadrant par des moudjahidines d'al-Qaïda. Dans l'immédiat toutefois, Droukbel préconise de renoncer momentanément aux pratiques terroristes à et l'application d'une version stricte de la chariah pour gagner les coeurs et les esprits des populations en gouvernant «avec douceur et sagesse».
«Une bonne graine dans un bon terreau»Le document dont certains journalistes avaient eu connaissance par bribes, figure ici dans sa version exhaustive, traduite et authentifiée par les experts. Ce vade-mecum djihadiste constitue une précieuse source de renseignements sur la stratégie d'AQMI dans cette région du Sahel que la mouvement terroriste contrôlait alors depuis quatre mois environ. Un contrôle relatif, le document témoignant de l'emprise limitée de l'émir d'AQMI sur certains éléments de la mouvance djihadiste. La modération que prône Droukbel -qui dénonce les lapidations et les destructions de mausolées - n'aura pas été suivie d'effets. Ces exactions ont largement contribué à aliéner aux djihadistes l'appui des populations locales.
Il apparait aussi clairement que Droukbel était opposé à l'offensive menée par les djihadistes vers le Sud, qui a conduit la France à décider de frappes aériennes et d'une intervention au sol. Le chef d'Aqmi aurait été placé devant le fait accompli par le mouvement touareg Ansar Dine, qui a pris cette initiative, car elle souhaitait grignoter des territoires vers le Sud pour contraindre le gouvernement de transition malien à signer des accords et à renoncer à l'Azawad. Une tactique qui aurait séduit les combattants d'AQMI mais à laquelle Droukdel, qui n'a jamais mis les pieds au Mali durant cette période, était sans doute opposé.
Comme s'il anticipait la riposte occidentale, le chef djihadiste semble conscient de la nature éphémère de son expérience en tant qu'administrateur de la région septentrionale du Mali. Mais il affirme toutefois avoir planté «une bonne graine dans un bon terreau», affichant son souci de renouveler l'«expérience» et de la voir aboutir «même si cela doit prendre du temps.»
Ces propos sonnent comme un avertissement au président Ibrahim Boubacar Keïta, vainqueur de l'élection du mois d'août dernier. L'attentat suicide contre une garnison de Tombouctou, le 28 septembre, qui a fait 16 morts, a été revendiqué par AQMI, prouvant que l'organisation terroriste conserve une capacité de nuisance, sinon de déstabilisation. Le Nord-Mali n'est pas à l'abri d'un retour des djihadistes, tel est bien le message menaçant de l'émir algérien.[/b]