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Abdelaziz Bouteflika s'attaque aux services secrets algériens
Mis à jour le 11/09/2013 à 21:56 - Publié le 11/09/2013 à 19:49 Le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, en janvier, à Alger.
À quelques mois de la présidentielle, le chef de l'État démantèle les puissants services de renseignement et forme un nouveau gouvernement composé de fidèles.
«En digne héritier de Boumediene, Bouteflika sait que tant qu'il ne contrôle pas l'armée, il ne contrôle rien.» Le commentaire, d'un officier du renseignement algérien, éclaire les décisions prises ces derniers jours par la présidence. Selon plusieurs médias, des décrets non publiés prévoient d'amputer le DRS (Département du renseignement et de la sécurité), services secrets de l'armée et colonne vertébrale du système algérien, de plusieurs de ses prérogatives: l'information et la communication, et la sécurité de l'armée, dont les officiers et auxiliaires de police judiciaire seraient désormais rattachés à la justice militaire. En clair: ils ne dépendraient plus du mythique patron du DRS, le général Toufik Mohamed Lamine Mediene, 74 ans, mais du chef d'état-major de l'armée, le général Gaïd Salah, 80 ans, qu'un remaniement ministériel a désigné hier vice-ministre de la Défense nationale.
«Gaïd Salah est comme toute l'armée, acquis au président. Les manœuvres pour grignoter du pouvoir aux services auront pour conséquence de renforcer l'influence de Bouteflika, analyse un cadre de l'armée de terre. Mais attention, il ne faut pas en déduire que cela affectera le DRS dans son essence, car rien ne change vraiment. La sécurité militaire, par exemple, rend déjà des comptes à l'état-major. Quant au pôle information, il continuera à faire du renseignement puisque c'est la fonction même d'un service de contre-espionnage.»
À El Mouradia, le palais présidentiel, les adversaires du DRS assurent que Toufik encaisse au contraire «un coup dur». Et la composition du nouveau gouvernement, toujours conduit par Abdelmalek Sellal et essentiellement composé de fidèles du président, en est à leurs yeux, une preuve supplémentaire.
- Citation :
- Bouteflika ne fait la guerre aux services que pour asseoir son propre pouvoir
Un officier du DRS
Des tentatives d'affaiblissement du DRS, il y en a eu d'autres. Dans les années 1980, l'ancien président Chadli Bendjedid avait déjà déstructuré le mastodonte qu'était la Direction centrale de la sécurité militaire. «Mais cela n'a jamais marché. Les “services” reprennent toujours le dessus, constate l'officier. Parce qu'ils ne se réduisent pas à des structures, ce sont avant tout des hommes et des réseaux. Tant que Bouteflika ne signe pas la mise à la retraite de Toufik, retraitable d'office depuis ses 65 ans, comme tous les militaires et quel que soit leur grade, rien n'est dommageable.»
Mais dans la maison, certains laissent entendre que ces changements à quelques mois de l'élection présidentielle, et dans un contexte de guerre de positions, sont en réalité le résultat d'un arrangement. «Le DRS accepte de se retirer, et en contrepartie, aucun de ses officiers ne sera inquiété pour les affaires de corruption auxquelles ils sont inévitablement mêlés. L'ancien ministre de l'Énergie Chakib Khelil n'aurait jamais pu quitter le pays sans l'aide de deux ou trois généraux», estime Lahouari Addi, professeur à l'Institut d'études politiques de Lyon.
Un officier du DRS y voit plutôt un compromis dans la perspective de la présidentielle de 2014: «Bouteflika ne fait la guerre aux services que pour asseoir son propre pouvoir. On assiste là à l'ultime étape d'un démantèlement commencé en 2004. En échange, Toufik garde sa place et cautionne un quatrième mandat. Pour le moment, Toufik-Bouteflika, c'est 1 partout, balle au centre.» Le scénario du quatrième mandat, complètement écarté après l'hospitalisation du président en avril dernier, revient donc en force. Pour l'éditorialiste Fayçal Métaoui, tout indique dans le nouveau gouvernement qu'Abdelaziz Bouteflika, 76 ans, compte se représenter: «La majorité des ministres sont des proches, mais n'enterrons pas trop vite le DRS…»