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Obama veut maintenir la pression militaire sur Assad
Publié le 11/09/2013 à 07:25
Le président appelle l'Amérique à ne pas renoncer à son rôle de garant de la sécurité globale, tout en disant vouloir donner sa chance à la négociation russe.Le président a sorti l'artillerie lourde ce mardi soir, pour convaincre ses compatriotes de «ne pas détourner la tête» de ce qui se passe en Syrie: l'impératif moral, la nécessité d'assumer le poids que lui impose son rôle de puissance exceptionnelle, mais aussi le danger que représente l'usage d'armes chimiques pour la sécurité nationale américaine et celle de ses alliés. La nécessité aussi d'envoyer un message clair à l'Iran et à d'autres.
Dans un discours émouvant, engagé et pédagogique, où il n'a pas hésité à décrire avec crudité les terrifiantes vidéos d'enfants en train de mourir sous l'effet des armes chimiques utilisées, selon lui, le 21 août dans la banlieue de Damas par le régime d'Assad, Barack Obama s'est employé à répondre avec systématisme aux doutes et questions des Américains sur la nécessité d'une action militaire limitée en Syrie. Il a dit comprendre leur fatigue, leur volonté de se concentrer sur la «reconstruction» de leur propre pays. Mais «dans quel monde vivrons nous, si les Etats-Unis d'Amérique voient un dictateur violer de manière éhontée la loi internationale avec du gaz toxique mais choisissent de détourner les yeux?». Obama a décrit «des enfants s'asphyxiant, la bouche pleine de bave et un père qui serrait ses deux enfants morts dans ses bras et leur implorait de se lever».
«Nous ne sommes pas le gendarme du monde, je suis d'accord, mais si à travers une action et un risque modestes, nous pouvons empêcher des enfants d'être gazés à mort, et que cela mette nos propres enfants plus en sécurité, j'estime que nous devons agir, a poursuivi le président. C'est cela qui rend l'Amérique différente, cela qui nous rend exceptionnels. Avec humilité, mais avec résolution, ne perdons jamais de vue cette vérité essentielle». «L'Amérique a été l'ancre de la sécurité internationale depuis 70 ans, a-t-il dit. Cela veut dire faire plus que forger des accords internationaux, cela veut dire les faire respecter». Mardi soir, après son discours, CNN a fait état d'un sondage, dans lequel 47% des personnes interrogées jugeaient qu'il avait bien défendu l'idée d'une action militaire, contre 50% des sondés qui restaient dubitatifs.
PrudenceBarack Obama s'exprimait dans un contexte bien différent de celui dans lequel son discours devait initialement avoir lieu. La veille, les Russes avaient créé la surprise, en proposant une mise sous contrôle de l'ONU de l'arsenal chimique d'Assad, puis sa destruction. Le président a expliqué avoir demandé au Congrès de retarder le vote qu'il avait initialement sollicité sur l'autorisation de la force. «Il est trop tôt pour dire si cette offre marchera», a-t-il dit de la proposition russe. Mais il a promis de donner au Kremlin et à Assad le bénéfice du doute. John Kerry va s'envoler ce jeudi pour l'Europe, pour rencontrer son homologue russe. Obama a aussi précisé qu'il poursuivrait lui-même le dialogue directement avec Poutine. Mais il est resté très prudent sur l'issue de cette négociation, estimant qu'elle n'était sur la table que parce que l'Amérique avait brandi la menace crédible d'une utilisation de la force.
Il a clairement laissé entendre qu'il se réservait le droit d'utiliser l'action militaire de manière beaucoup plus limitée qu'en Libye - et sans troupes au sol - si les promesses syriennes et russes s'avèrent creuses. Le fait que le président Poutine ait exigé ce mardi que les Américains s'engagent à renoncer à une action militaire, est déjà perçu à Washington comme un très mauvais signe. «J'ai demandé à nos militaires de garder leur position actuelle pour maintenir la pression sur Assad et être en position de répondre si la diplomatie échoue», a dit Barack Obama.
Une position précaireLa question est de savoir si le Congrès accepterait de voter des frappes, si dans trois semaines, la négociation s'avère un flop magistral. Pour l'instant, le compte n'est bon ni à la Chambre, dominée par les Républicains, et hostile à Obama, ni au Sénat, malgré sa majorité démocrate. Le camp des partisans d'une intervention limitée, même sans troupes au sol, ne cesse de rétrécir. Sur la Colline, où le président s'est rendu mardi dans la journée pour y plaider sa cause, nombre d'élus qui s'étaient dits favorables à des frappes ont accueilli la proposition de médiation russe avec un enthousiasme qui en disait long sur leur désir de reculer. Plusieurs
staffers ont confié au
Figaro que le président avait renoncé à requérir un vote en raison du risque énorme d'obtenir un non retentissant. «Une telle équation politique aurait affaibli terriblement la position du président, nous sommes tous tombés d'accord pour penser qu'il ne pouvait prendre ce risque avant la négociation avec la Russie», a confié un élu. Beaucoup d'observateurs jugent que la position d'Obama reste extrêmement précaire. «Il a vraiment foiré, avec tous ses zig zags, il est dans une situation terrible», a commenté le présentateur Pierce Morgan sur CNN. «Toute cette séquence donne une impression d'improvisation et d'amateurisme», a noté mardi une source parlementaire.
«C'est vrai, il a vraiment foiré, mais il essaie vraiment de trouver une solution», a tempéré le sénateur républicain Lindsay Graham, un faucon partisan de la force, sur CNN. Celui-ci voulait croire, après le discours passionné d'Obama de ce mardi, que ce dernier n'aura d'autre choix que de frapper, si l'initiative russe échoue. «Si j'étais Assad, j'aurais peur», a-t-il dit. Mais sur les plateaux de télévision, les experts disaient ne plus être sûrs de rien.