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Egypte : exercice de force entre police et pro-Morsi
Publié le 2 août 2013 à 23:10
Les manifestants pro-Morsi le 2 août 2013.
Deux places sont occupées depuis un mois au Caire et les manifestants refusent de quitter les lieux.
Les partisans du président égyptien islamiste Mohamed Morsi destitué par l’armée ont défié vendredi militaires et policiers en refusant non seulement de quitter deux places occupées depuis un mois mais en appelant aussi les manifestants à marcher sur des QG des forces de l’ordre.
La police a tiré des gaz lacrymogènes et chargé devant un complexe abritant des médias égyptiens, que les islamistes accusent de complaisance à l’égard du pouvoir mis en place par l’armée, alors que des émissaires occidentaux tentent d’ultimes médiations pour éviter un bain de sang.
Le vice-président par intérim et prix Nobel de la Paix Mohamed ElBaradei a estimé qu’il ne pourrait pas contenir longtemps les faucons du gouvernement et de l’armée qui, fort d’un soutien croissant de la population, prônent la manière forte contre les manifestants islamistes.
«Des gens sont vraiment furieux contre moi parce que je dis: prenons notre temps, parlons avec eux. L’humeur, maintenant, c’est plutôt "écrasons-les"», a-t-il assuré dans un entretien avec le Washington Post, ajoutant:
«Je tiens le fort, mais je ne tiendrai pas longtemps». Les manifestants réclament le retour de Morsi, premier président égyptien démocratiquement élu, en 2012, destitué et arrêté par les militaires le 3 juillet.
Jeudi, une déclaration du secrétaire d’État américain John Kerry, avait alimenté la tension et provoqué la colère des Frères musulmans, dont Morsi est issu. Kerry a en effet estimé que les militaires avaient en fait
«rétabli la démocratie» en déposant Morsi à la demande de
«millions et de millions» de manifestants. Des manifestations populaires massives réclamaient le départ de Morsi, reprochant aux Frères musulmans d’accaparer tous les pouvoirs et de ruiner une économie déjà exsangue.
Il y a un mois, le commandant en chef de l’armée, ministre de la Défense et nouvel homme fort du pays, le général Abdel Fattah al-Sissi, a annoncé la destitution de Morsi, premier président démocratiquement élu du pays détenu au secret depuis, et mis en place un président et un gouvernement intérimaires chargés d’organiser des élections d’ici la fin de l’année.
Hagel pourrait-il «destituer Obama» ?«Le secrétaire d’État Kerry accepterait-il que le secrétaire (américain) à la Défense Hagel destitue Obama si d’importantes manifestations avaient lieu en Amérique ?», a rétorqué vendredi Gehad el-Haddad, porte-parole des Frères musulmans.
«Nous n’attendons rien des États-Unis (...), complices du coup d’État militaire».Vendredi, les Frères musulmans avaient appelé leurs partisans à venir grossir
«pacifiquement» les rangs des deux sit-in sur les places Rabaa al-Adawiya et Nahda du Caire, qu’ils occupent depuis un mois. Les autorités martèlent depuis deux jours qu’elles s’apprêtent à les en déloger de force.
«A bas Sissi, Morsi est notre président», scandaient les manifestants en ville, en référence au général déjà adulé par une grande partie des Egyptiens et par la presse quasi-unanime du pays. Ses portraits ornés de slogans flatteurs fleurissent partout dans les rues et dans les journaux. Le nouveau pouvoir accuse les manifestants pro-Morsi d’être des
«terroristes» et de
«menacer la sécurité nationale». «Je suis un musulman, pas un terroriste !», chantaient ces derniers vendredi dans les rues.
«Situation explosive»
En annonçant leur dispersion imminente, les autorités s’appuient sur le mécontentement d’une très grande partie du peuple égyptien à l’égard du gouvernement de Morsi, relayé par la presse, dressée de manière quasi-unanime contre les occupants des places Rabaa et Nahda. Mais cette impatience à disperser les manifestants est tempérée par le ballet diplomatique dont Le Caire est le théâtre depuis des jours, la communauté internationale, Union européenne en tête, pressant à la fois les autorités de faire preuve de retenue et les Frères musulmans à évacuer les places. Selon des observateurs, ces tentatives ont toutefois été vaines jusqu’à présent.
L’un de ces médiateurs européens, le chef de la diplomatie allemande Guido Westerwelle a jugé jeudi soir que la situation était «explosive» en Egypte. L’émissaire de l’Union européenne Bernardino Leon, arrivé jeudi, a poursuivi péniblement ses efforts de médiation vendredi. Et le secrétaire d’Etat adjoint américain William Burns est arrivée dans la soirée au Caire pour une visite-surprise.
Les négociations semblent dans l’impasse et la communauté internationale redoute un bain de sang: plus de 250 personnes ont déjà été tuées en un mois, essentiellement des manifestants pro-Morsi lors d’affrontements avec les forces de l’ordre ou avec des opposants au président déchu. Et vendredi soir, après la rupture du jeûne du Ramadan, les pro-Morsi ont franchi une nouvelle étape en appelant à un troisième sit-in sur une place de la capitale et à marcher dans la nuit sur deux QG de l’armée et un de la police.