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Égypte : les islamistes misent sur une guerre d'usure
Mis à jour le 30/07/2013 à 22:15 - Publié le 30/07/2013 à 21:15
REPORTAGE - Les pro-Morsi ont défilé mardi dans une ambiance festive, mais sans atteindre le million promis.
C'est le grand jeu des manifestations pro-Morsi: se lancer de l'eau. Sous toutes ses formes. Répandus dans la foule, des bonhommes hilares, armés de pulvérisateurs sur le dos, arrosent les gens comme des jardiniers des rosiers. D'autres ont adopté la technique des bouteilles d'eau percées. Une adolescente a eu la délicatesse de mettre de la menthe dans la sienne - mais elle n'arrose que les femmes. Des camions arrivent avec des sacs de glace, répartis en sachets, que les manifestants tiennent sur leurs têtes - surtout les femmes, souvent voilées, parfois de noir. Enfin, il y a ceux qui lancent l'eau par seaux entiers sur les groupes compacts.
C'est ainsi que sont accueillies les manifestations qui arrivent à Rabaa, le principal sit-in pro-Morsi, dans les faubourgs du Caire. Finie l'ambiance grave des derniers jours. Même si les quelque 70 morts de la nuit de samedi ne sont pas oubliés. Les portraits des «martyrs» sont sur tous les drapeaux, mais ils cohabitent avec les chants, les danses, les éclats de rire.
Mohammed Abdel Aziz - fine moustache - et Ayman Sadiq - légère barbe - sont ravis. Ils ont fait 400 kilomètres de route depuis Sohag, dans le sud du pays. Pour eux, ces manifestations joyeuses sont la preuve que les Frères musulmans sont victimes d'injustice. «Nous n'avons jamais fait que nous défendre. C'est à l'armée et la police d'arrêter les attaques», dit Mohammed Abdel Aziz. Chez son camarade Ayman, la joie n'empêche pas l'indignation: «Tout le monde, et surtout les médias, s'est mis contre nous.»
Parmi les manifestants, c'est le sentiment de persécution qui domine. «On a l'impression que les pro-Moubarak n'attendaient que ça. L'Intérieur a rétabli tous ses services de sécurité et personne n'a bronché», regrette Abdel Rahman Daour. Sans être un sympathisant de Morsi, il est venu donner un coup de main au centre d'accueil des médias du sit-in de Rabaa. Fervent partisan de la révolution, il fait allusion aux déclarations du ministre de l'Intérieur, samedi dernier, qui annonçait rétablir des services de renseignements officiellement supprimés après la révolution. C'est la preuve, pour Abdel Rahman, du retour de l'ancien régime: «En attendant que les Égyptiens trouvent une troisième voie, je reste ici. On verra comment ça évolue.»
VIDEO : Les pro.Morsi se rassemblent en hommage aux victimes des affrontementshttps://www.dailymotion.com/video/x12grbg_egypte-les-pro-morsi-se-rassemblent-en-hommage-aux-victimes_news
Une marche, majoritairement composée de femmes, arrive au loin. Ces manifestants ont tenté de réclamer justice devant le ministère de la Défense. Mais ce dernier s'était barricadé. La marche, assortie de faux cercueils symbolisant les morts des derniers jours, a dû faire demi-tour, tout comme une autre manifestation, dimanche dernier, qui voulait s'aventurer du côté du QG des renseignements militaires.
À chaque fois, le message est clair: ne débordez pas si vous voulez éviter un bain de sang. La manifestation des femmes passe donc au large du ministère, rejoignant plus tôt que prévu le camp retranché de Rabaa.
Elles sont alors quelques milliers à y être accueillies chaleureusement. Mais dans les rues du Caire, le million de manifestants promis ne semble pas être atteint. La grande avenue Nasr, qui mène à Rabaa, est plutôt clairsemée. Dans le cortège comme dans le sit-in, on peut circuler facilement. On est très loin des rassemblements massifs comme les Égyptiens savent les faire. Et les anti-Morsi n'ont même pas jugé nécessaire d'organiser de contre-feux. L'issue de la crise est peut-être dans l'essoufflement, après tout.