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Mort du journaliste Henri Alleg, auteur de «La Question»
18 juillet 2013 à 12:25 (Mis à jour: 13:56) Henri Alleg chez lui, à Toulouse, en décembre 2005.
Le militant communiste, qui travailla à «L'Humanité», avait lui-même été torturé pendant la Guerre d'Algérie avant d'être condamné aux travaux forcés. Son témoignage fut saisi dès sa parution en 1958.
Le journaliste et militant communiste Henri Alleg, qui fut l’un des premiers à dénoncer la torture pendant la guerre d’Algérie dans un livre-choc, saisi au lendemain de sa parution,
La Question (1958, éditions de Minuit), est mort mercredi à 91 ans.
Témoignage de la torture perpétrée par l’armée française, qu’il avait subie en tant que directeur d’
Alger Républicain (journal du Parti communiste algérien), son livre a été un immense succès avec 65 000 exemplaires vendus au jour de sa saisie, le 27 mars 1958. Quarante ans plus tard, Henri Alleg confiait à
L’Express :
«Je savais que si j’étais arrêté, je serais torturé, j’y étais préparé (...)
. Je n’ai gardé aucune rancœur à l’égard de quiconque; je considérais ces gens comme les instruments méprisables d’une politique».
«Alleg a payé le prix élevé pour le simple droit de rester un homme», écrivit Jean-Paul Sartre, et François Mauriac, dans son «Bloc-notes» du 27 février 1958, parla d’un
«témoignage sobre» ayant
«le ton neutre de l’Histoire». Le livre
La Question a été transposé au théâtre en 2005 par François Chattot, pensionnaire de la Comédie-française.
«Appel des douze»
Né en juillet 1921 à Londres de parents polonais, Henri Salem, dit Alleg, arrive en avril 1940 à Alger et adhère un an plus tard au Parti communiste algérien (PCA), dont il sera membre du comité central jusqu’à sa dissolution en 1955. Il dirige le quotidien
Alger Républicain de février 1951 à juillet 1955, quand le journal est interdit.
Le 12 juin 1957, en pleine «bataille d’Alger», il est arrêté, en compagnie de son ami Maurice Audin, professeur de sciences à la faculté d’Alger, à la suite d’une enquête menée sur des attentats terroristes commis par des membres du PCA.
Détenu à la prison Barberousse, Henri Alleg est condamné le 15 juin 1960 par le Tribunal permanent des forces armées de Nord-Alger à dix ans de travaux forcés pour atteinte à la sécurité extérieure de l’Etat et reconstitution de ligue dissoute. En octobre 1961, il s’évade de la prison de Rennes. Après avoir regagné Alger en avril 1962, il refonde
Alger Républicain, qui est interdit en 1965 à la suite du putsch qui voit Boumedienne chasser le président Ben Bella du pouvoir.
Henri Alleg, adhérent au PCF, auquel il restera fidèle jusqu’à la fin de sa vie, a été journaliste à
L’Humanité de 1966 à 1980 et en fut le secrétaire général. En 2001, au procès du général Paul Aussaresses, il avait témoigné, au côté de la veuve du général Pâris de Bollardière, de la pratique institutionnalisée de la torture par l’armée française pendant la guerre d’Algérie.
Henri Alleg fut signataire de l’Appel des douze, paru dans
L’Humanité le 31 octobre 2000, à Jacques Chirac, président de la République, et à Lionel Jospin, Premier ministre, pour condamner la torture par une déclaration publique. A ses côtés se trouvaient notamment l’avocate Gisèle Halimi ou les historiens Madeleine Rebérioux et Pierre Vidal-Naquet.
Outre
La Question et une
Histoire de la guerre d’Algérie, Henri Alleg avait publié
Etoile rouge et croissant vert (1983) sur les républiques soviétiques d’Asie centrale,
S.O.S. America (1985),
L’URSS et les Juifs (1989),
Requiem pour l’Oncle Sam (1992), et
Mémoire algérienne (2005). Henri Alleg était père de deux fils.