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La recherche sur l'embryon en débat à l'Assemblée nationale
Publié le 09/07/2013 Mise en culture et observation du développement d'embryons au Cécos du CHU de Bordeaux.
Une proposition de loi des radicaux de gauche soutenue par le gouvernement doit être discutée ce mercredi par les députés.
Faut-il passer d'un principe général d'interdiction des recherches sur les embryons et les cellules souches embryonnaires, avec dérogations accordées par l'Agence de biomédecine, réaffirmé par la loi du 7 juillet 2011, à un régime d'autorisations encadrées par la loi? C'est le sens de la proposition de loi déposée simultanément au Sénat et à l'Assemblée nationale le 4 décembre dernier par les deux groupes parlementaires radicaux de gauche. Le Sénat a adopté le texte présenté dès le 5 décembre mais, à l'Assemblée, les débats commencés le 28 mars doivent reprendre aujourd'hui. «Sur la forme, c'est totalement inacceptable, explique au Figaro le député UMP de la Manche Philippe Gosselin. Non seulement la proposition de loi est passée en catimini au Sénat et a failli passer dans une niche parlementaire à l'Assemblée, mais voilà qu'on apprend que la discussion qui devait avoir lieu jeudi est avancée à mercredi!»
«L'enjeu c'est le traitement de nombreuses maladies: Alzheimer, Parkinson, sclérose en plaques, etc.», expliquait mardi le député radical de gauche du Val-de-Marne Roger-Gérard Schwartzenberg lors d'une conférence de presse, rappelant que ces recherches sont autorisées dans de nombreux pays comme la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Espagne, les États-Unis ou le Japon. «Il faut désentraver la recherche», insistait l'ancien ministre.
Un argument qui n'émeut pas l'opposition menée par Philippe Gosselin: «Depuis 2004, comptabilise le député, 173 autorisations de dérogation ont été accordées par l'Agence de biomédecine et il y a eu 9 refus. On ne peut pas raisonnablement soutenir l'idée que le régime de dérogation gène les chercheurs».
Les opposants à ces recherches soulignent aussi qu'il existe désormais une alternative scientifique avec les cellules souches pluripotentes induites (iPS). Obtenues à partir de cellules adultes par culture cellulaire, les iPS ont la particularité de pouvoir se transformer en différents types de cellules, comme le font naturellement les cellules embryonnaires. Elles ont valu le prix Nobel de médecine 2012 à son inventeur le Japonais Shinya Yamanaka.
Pour Philippe Gosselin, «les travaux sur les cellules iPS sont suffisamment avancés pour que l'on n'ait plus besoin de cellules souches embryonnaires. La proposition de loi est à contretemps scientifique». «Faux!», rétorquait mardi la rapporteur du texte Dominique Orliac, députée radical de gauche du Lot. «D'ailleurs même le Pr Yamanaka travaille à la fois sur des cellules iPS et sur des cellules souches embryonnaires», ajoutait-elle.
Faut-il alors changer la loi de 2011 alors qu'elle était, selon Philippe Gosselin, «arrivée à un point d'équilibre»? «Oui, affirme Roger-Gérard Schwartzenberg, car nos chercheurs sont entravés par une législation obsolète, au détriment des patients», mais il ajoute, sans craindre le paradoxe, qu'avec la nouvelle loi, «le cadre de la recherche serait exactement le même qu'actuellement». Car en pratique, les chercheurs devront toujours réunir des conditions très strictes. Tout d'abord, recueillir l'accord préalable du couple dont les embryons sont issus. Le projet de loi précise, en effet qu'une recherche «ne peut être menée qu'à partir d'embryons conçus in vitro dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation et qui ne font pas l'objet d'un projet parental». Ensuite, insiste Roger-Gérard Schwartzenberg, «les chercheurs devront proposer un protocole de recherche qui remplit les conditions de pertinence scientifique, de finalité médicale, le respect des principes éthiques et l'impossibilité médicale de mener les mêmes recherches sans recourir à des embryons ou des cellules souches embryonnaires».
En fait, les véritables différences seraient symboliques et juridiques, selon Roger-Gérard Schwartzenberg: «Nos chercheurs ne seront plus considérés comme des apprentis sorciers et il y aura plus de sécurité juridique avec des autorisations qu'avec des dérogations». La Fondation Jérôme Lejeune, fortement mobilisée contre les recherches sur l'embryon, a de fait déjà déposé plus d'une dizaine de recours en justice contre des dérogations accordées par l'Agence de biomédecine. «Les autorisations seront aussi peu attaquées que les dérogations, pondère Philippe Gosselin. La vérité est qu'en endossant cette proposition de loi le gouvernement veut soigner ses relations avec les radicaux et les écologistes. Il veut se refaire une santé politique sur le dos de l'embryon». À condition de ne pas enflammer l'Assemblée.