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Les cirrhoses ne sont pas toujours liées à l'alcool
Publié le 24/01/2012 Un membre d'une équipe médicale de chirurgie digestive regarde un scanner avant l'ablation du foie d'un patient atteint d'une cirrhose et d'une tumeur.[/list]
L'obésité et le diabète peuvent aussi induire cette pathologie assez fréquente, qui reste sous-diagnostiquée.
Pour beaucoup, la cirrhose est synonyme d'abus d'alcool. On peut pourtant être atteint par cette affection du foie sans avoir jamais abusé ou même bu la moindre goutte d'alcool! Et pour cause: «Aujourd'hui, si l'alcool représente encore 50% des causes de cirrhose, il y en a bien d'autres», explique le Dr Lawrence Serfaty, hépatologue au CHU Saint-Antoine, à Paris.
Les hépatites virales C (et B dans une moindre mesure) sont en cause dans 30% des cas. Certaines cirrhoses sont encore dues à une surcharge en fer d'origine génétique (hémochromatose) ou à de rares maladies auto-immunes.
Maladies stéatosiquesCe qui est nouveau depuis quelques années, c'est que 10% des cirrhoses ont une origine métabolique. La cirrhose vient compliquer ce que les Anglais appellent «NASH» ou, en français, «stéatohépatite non alcoolique». Cette maladie du foie se rencontre principalement en cas d'obésité ou de diabète et se traduit par l'accumulation de triglycérides dans les cellules du foie. «Même si l'alcool et les hépatites virales sont encore à l'origine de deux tiers des cirrhoses graves nécessitant une greffe de foie, l'obésité représente une nouvelle cause à prendre au sérieux. Elle l'est d'autant plus que le surpoids et le diabète progressent en France: on peut donc s'attendre à davantage de maladies stéatosiques du foie dans les prochaines années», insiste le Dr Patrick Hillon, chef du pôle médico-chirurgical digestif endocrinien et urologique au CHU de Dijon.
Toutes causes confondues, les cirrhoses sont assez fréquentes: on estime que de 2000 à 3300 Français sont concernés par million d'habitants, mais beaucoup ne le savent pas. «Le fait d'avoir plusieurs facteurs de risque, par exemple une hépatite C et un surpoids ou un penchant pour l'alcool et une obésité, augmente grandement cette probabilité», souligne le Pr Christine Silvain, chef du service d'hépato-gastro-entérologie au CHU de Poitiers. Mais comme une cirrhose met en moyenne dix ans à se constituer, «il faut consulter si on présente un ou plusieurs facteurs de risque pour avoir toutes ses chances d'être traité à temps», insiste le Dr Bernard Nalet, responsable du pôle médico-chirurgical digestif et cancer au centre hospitalier de Montélimar.
Sous-diagnostiquéesC'est pourtant bien le diagnostic qui représente le maillon faible de la prise en charge de cette pathologie. Les cirrhoses sont sous-diagnostiquées pour diverses raisons: peur d'avouer à son médecin un abus d'alcool ou un antécédent de toxicomanie intraveineuse, méconnaissance du risque de transmission d'une hépatite C à l'occasion d'une transfusion faite avant 1990, ignorance du fait que le surpoids peut faire le lit de la cirrhose, idée reçue selon laquelle une cirrhose s'accompagne forcément de signes parlants, alors que bien souvent, elle évolue d'abord en silence…
Autre idée reçue: la cirrhose d'origine alcoolique serait la plus grave de toutes. En fait, il n'existe pas de grosses différences entre les cirrhoses. Les risques de décompensation hépatique et de cancer du foie existent quelle qu'en soit la cause. «Une fois la cirrhose constituée, elle va continuer d'évoluer pour son propre compte, même si les facteurs qui en sont à l'origine (alcool, virus, surpoids…) sont correctement pris en charge», insiste le Pr Serfaty.
Diagnostiquer une cirrhose avant qu'elle ne fasse parler d'elle est d'autant plus crucial que la médecine a fait de grands progrès dans le traitement des causes virales. «On dispose de nouveaux antiviraux très puissants (entecavir et tenofovir) dans l'hépatite B. Par ailleurs, en cas d'hépatite C, le recours à une trithérapie depuis septembre 2011 (interféron, ribarivine et un antiviral direct comme le télaprévir ou le bocéprévir) permet désormais d'éradiquer le virus dans 70% des cas», précise le Pr Serfaty. Le Pr Hillon ajoute que «l'on va probablement guérir la majorité des hépatites C dans les cinq ans à venir, de sorte que l'on verra de moins en moins de cirrhoses en rapport avec ces hépatites, à condition de ne pas avoir perdu de temps pour les repérer».
Greffe de foieIl reste à résoudre l'épineux problème des autres causes de cirrhose: sevrer de l'alcool une personne dépendante n'est pas si simple, même si le baclofène ouvre des perspectives intéressantes. Concernant les stéatohépatites, il y a bien des molécules susceptibles d'agir qui font l'objet de recherche, mais elles ne seront pas disponibles avant quelques années. En attendant, la correction du surpoids, le retour à un meilleur équilibre du diabète et la reprise d'une activité physique régulière sont autant de mesures simples, mais utiles, à la portée de tous.
Parmi les personnes dont les facteurs de risque auront été corrigés, certains se verront proposer une greffe de foie. «Ce sont les malades dont l'espérance de vie à cinq ans est inférieure à 50%, notamment parce qu'ils ont déjà présenté des complications graves, mais dont les fonctions cardiaques et pulmonaires sont correctes», conclut le Pr Silvain.