12 milliards de dollars pour sauver la transition des pays du Golfe au secours de l’Egypte
le 11.07.13 | 10h00 | © D. R.
L’Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis et le Koweït consentent des aides financières importantes pour soutenir l’effort de redressement économique à la faveur du changement du pouvoir à la tête de l’Egypte.
Les observateurs y voient la preuve d’un déclin de l’influence du Qatar qui avait jusque-là parrainé l’accession au pouvoir des Frères musulmans et leur soutien le plus fort durant une année de règne. La chute du pouvoir des Frères musulmans semble avoir reconfiguré la géopolitique dans la région du Moyen-Orient. Le Koweït, les Emirats arabes unis et l’Arabie Saoudite se repositionnent aux dépens du Qatar.
La transition politique en Egypte se met en place sur fond de tension politique extrême et d’une déconfiture économique inquiétante. Débarrassé de Morsi, le pays du Nil, qui est au bord de la banqueroute, peut espérer désormais un redressement de la situation grâce aux monarchies du Golfe qui volent au secours des nouvelles autorités provisoires du Caire.
En l’espace de quarante-huit heures seulement, l’Arabie Saoudite, le Koweït et les Emirats arabes unis ont injecté pas moins de 12 milliards de dollars dans les caisses de l’Egypte. Riyad, qui a ouvertement soutenu la déposition de Mohamed Morsi, a fourni une aide de 5 milliards de dollars, tandis que le Koweït a accordé une aide de 4 milliards, un don d’un milliard de dollars, un dépôt de 2 milliards de dollars à la Banque centrale d’Egypte et la fourniture à ce pays pour un milliard de dollars de produits pétroliers. Cette importante assistance vient s’ajouter à une aide de 3 milliards de dollars des Emirats arabes unis.
Ces trois pays, franchement opposés à la prise du pouvoir par les Frères musulmans en Egypte, opèrent ainsi un repositionnement stratégique dans la région, qui se fait fatalement aux dépens du rôle du Qatar. Doha, qui a apporté un soutien politique, financier et médiatique aux Frères musulmans égyptiens, perd une zone d’influence considérable.
Les Frères en déroute
Le Caire était un terrain de bataille idéologique et financier entre l’Arabie Saoudite, qui soutenait depuis longtemps les salafistes égyptiens d’un côté et le Qatar, principal appui des Frères musulmans et pourvoyeur de fonds de l’Egypte, sous la présidence de Morsi de l’autre. Au plan politique, l’étau se resserre autour des Frères musulmans d’Egypte depuis le renversement du président Mohamed Morsi. Tandis que le nouveau Premier ministre, l’économiste Hazem Beblawi, entame des consultations pour la formation d’un cabinet, la justice a ordonné, hier, l’arrestation du guide suprême des Frères musulmans, Mohamed Badei, et d’autres dignitaires de la confrérie, dont l’influent prédicateur Safwat Higazi, selon des sources judiciaires citées par les médias. Ils sont accusés d’incitation à la violence dans le cadre de la répression meurtrière, lundi, devant le siège de la Garde républicaine au Caire.
En revanche, le président déchu, Mohamed Morsi, ne fait «pour l’heure l’objet d’aucune poursuite» judiciaire, a assuré un porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Badr Abdelatty. Il se trouve «en lieu sûr, pour son propre bien, et il est traité dignement», a-t-il assuré. Auparavant, plus de 200 personnes ont été inculpées.
Profitant du rejet massif des Egyptiens, les nouvelles autorités provisoires du pays cherchent à décapiter l’organisation islamiste qui, en une année de pouvoir, a réussi à noyauter plusieurs sphères de l’appareil de l’Etat. Affaiblie et surtout dépourvue du soutien des autres mouvements islamistes, l’organisation fondée par Hassan El Bena en 1928 traverse une phase cruciale. Elle est sérieusement menacée dans son existence. Le pouvoir qu’elle a pu conquérir lui a été fatal. Par ailleurs, le processus politique post-Morsi risque de connaître des trébuchements. Le consensus peine à s’établir entre le pouvoir provisoire et les forces politiques qui ont conduit à la chute de Mohamed Morsi.
La feuille de route proposée par le président provisoire, Mansour Adly, est critiquée par les différents acteurs politiques mobilisés contre Morsi. Le mouvement Tamarod (rébellion) – fer de lance de la révolte du 30 juin –, le Front de salut national (FSN) et le Courant populaire estiment que la déclaration constitutionnelle, composée de 33 articles relatifs à la mise en place du processus institutionnel, a été décidée sans consultation préalable des forces politiques. La coalition des forces révolutionnaires a exprimé son désaccord avec certains articles. «Cette déclaration constitutionnelle confère de larges prérogatives au président intérimaire», juge le FNS, qui propose ses propres amendements.
De son côté, le Parti de la liberté et de la justice (PLJ), bras politique de la confrérie des Frères musulmans, conteste le décret constitutionnel qui annule de fait la Constitution de Morsi et refuse également de participer à un nouveau gouvernement. «C’est un décret constitutionnel (...) par un homme nommé par des putschistes, qui ramène le pays à la case départ», a réagi Essam Al Erian, vice-président du PJL. En somme, deux ans après le renversement du dictateur Hosni Moubarak, l’Egypte n’arrive toujours pas à édifier un nouveau régime politique tant les antagonismes entre les forces en présence, aux intérêts opposés, sont difficiles à concilier. Le mouvement révolutionnaire né en janvier 2011 reste puissant, mais peine à prendre le pouvoir tant qu’il ne s’est pas doté d’un programme et d’une direction politique.
Hacen Ouali
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