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Au Luxembourg, Juncker jette l'éponge
Publié le 11/07/2013 à 00:05
Jean-Claude Junker lors de son arrivée au Parlement, mercredi.
Affaibli par une affaire d'espionnage, le premier ministre pourrait se représenter aux législatives.Jean-Claude Juncker, pilier de l'Europe et premier ministre du Luxembourg, a démissionné mercredi soir. Usé par dix-huit ans de pouvoir, le doyen conservateur des dirigeants du Vieux Continent a été lâché par ses alliés sociaux-démocrates. Pour deux raisons désormais familières dans l'UE. L'euro d'abord, auquel il aura consacré trop de temps aux dépens des affaires du pays. Et l'espionnage ensuite, pour une affaire mal gérée précisément à cause de ses absences répétées.
La chambre luxembourgeoise des députés devait se prononcer dans la nuit sur la responsabilité de Jean-Claude Juncker dans des irrégularités commises par le SREL, le service de renseignement luxembourgeois, qui lui est directement rattaché. Le premier ministre a reconnu des lacunes, mais refusé le blâme. «Si je transpire, ce n'est pas parce que j'ai peur, mais parce qu'il fait chaud!», a-t-il lancé en bras de chemise, depuis la tribune.
Les conclusions de la commission d'enquête parlementaire sont accablantes. «Le premier ministre, n'avait aucune emprise sur son service (de renseignement). Il a trop souvent omis d'informer la commission de contrôle parlementaire, voire le parquet sur les irrégularités, aberrations et illégalités des opérations (...) La responsabilité politique est incontestable.»
Ce qui pourrait rester comme le coup de grâce politique est venu des sociaux-démocrates, alliés historiques des chrétiens-sociaux du premier ministre. La gauche s'est gardée d'orchestrer ouvertement la chute du Commandeur. Mais elle a gagné les législatives anticipées qu'elle demandait depuis quelques jours: le renouvellement pourrait avoir lieu dès le 20 octobre, au lieu du scrutin prévu en mai. À l'humiliation d'une censure, Jean-Claude Juncker a préféré un coup d'éclat préventif. Il demandera jeudi la dissolution de l'Assemblée au chef de l'État, le grand-duc Henri.
Fichage policierL'«indéboulonnable» Juncker veut-il quitter son piédestal? Mercredi soir, il s'est gardé de préciser ses intentions. Pour un politicien roué et populaire, une fausse sortie pourrait être le tremplin d'une vraie réélection. Il avait usé de la même ficelle - rappelez-moi ou je fais un malheur - pour se maintenir huit ans à la tête de l'Eurogroupe, jusqu'à son remplacement cet hiver par le Néerlandais Jeroen Dijsselbloem.
Dans le camp conservateur, les profils rivaux peinent à émerger. Le ministre des Finances Luc Frieden est lui-même empêtré dans des dossiers hérités d'un passage ancien à la justice. La commissaire européenne Viviane Reding ronge son frein à Bruxelles ; mais elle souffre elle aussi d'être souvent éloignée des préaux du grand-duché.
C'est déjà ce dossier empoisonné du SREL qui avait contraint Jean-Claude Juncker à quitter son fauteuil bruxellois en janvier. L'ironie est que la principale pièce à charge est une série d'écoutes clandestines de… Jean-Claude Juncker par le chef des espions du grand-duché. Elles évoquent un fichage policier systématique au Luxembourg, mais le rôle du sortant reste flou.
Les 500.000 Luxembourgeois marquent souvent leur affection en traitant «Jean-Claude» à l'égal du monarque. Sur le grand-duc Henri, le premier ministre avait l'avantage du pouvoir, de la durée et de la notoriété. Après les Pays-Bas de Beatrix et la Belgique d'Albert, le Luxembourg de Jean-Claude serait le troisième voisin à perdre sa figure de proue. Mais il ne s'agit pas à proprement parler d'une abdication…