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En Égypte, l'intransigeance des salafistes menace le processus de transition
Mis à jour le 07/07/2013 à 23:30 - Publié le 07/07/2013 à 20:46encontre samedi, au Caire, entre le président par intérim Adli Mansour (à droite) et le leader de l'opposition Mohamed ElBaradei. Pressenti dans un premier temps pour être premier ministre, ce dernier a finalement été écarté.
Le parti al-Nour refuse que l'ex-directeur de l'AIEA, Mohamed ElBaradei, soit nommé premier ministre.
Les manifestants libéraux de la place Tahrir pourraient vite déchanter. Convaincus, pour certains, d'avoir écarté les «islamistes» après la déposition d'un président issu des Frères musulmans, ils se retrouvent aujourd'hui à gérer la transition politique à la même table que les salafistes d'al-Nour, connus pour leur radicalisme religieux. Cette alliance contre-nature a débouché, dès ce week-end, sur les premiers cafouillages politiques de l'après-Morsi avec l'annonce, rapidement retirée, de la nomination de Mohamed ElBaradei comme premier ministre du gouvernement intérimaire.
Si l'ex-chef de l'AIEA et Prix Nobel de la paix en 2005, récemment désigné comme le représentant de l'opposition laïque à Morsi, s'impose comme un choix logique aux yeux des révolutionnaires, il se heurte aux réserves d'al-Nour. «ElBaradei est trop marqué politiquement. Nous avons besoin d'une personnalité neutre pour mener à bien cette délicate transition», martèle Nader Bakkar, son porte-parole. Dimanche soir, le porte-parole de la présidence intérimaire annonçait d'ailleurs que Ziad Bahaa Eldin, un technocrate qui a dirigé plusieurs institutions économiques égyptiennes, serait «très probablement» nommé premier ministre en Égypte. Mohamed ElBaradei prendrait dès lors la vice-présidence.
Le parti salafiste égyptien, rival politique des Frères musulmans, avait apporté son soutien à la feuille de route présentée par l'armée pour conduire la transition politique. Il fait aujourd'hui partie des six entités représentées dans les discussions sur la formation du gouvernement intérimaire, aux côtés du chef d'état-major de l'armée, le général Abdel Fattah al-Sissi, de Mohamed ElBaradei, d'un représentant de Tamarod («Rébellion»), mais aussi de l'imam d'al-Azhar et du pape des coptes. La tâche qui attend le prochain chef de gouvernement est très délicate.
Dans un pays au bord de la faillite, et où la crise politique déclenchée par l'éviction de Morsi a déjà fait quarante morts et un millier de blessés, il aura pour mission de préparer les élections présidentielle et législatives - à une date encore non déterminée. «Par son objection, Nour cherche à se montrer pragmatique», observe Hisham Hellyer, chercheur au Brookings Institute.
Une nouvelle bataille politique débuteInterrogé sur son opposition à ElBaradei, Nader Bakkar dit voir dans ce choix «une affiliation trop prononcée au clan anti-Morsi, à l'heure où il faut tenter de désamorcer les tensions dans la rue». Si ce membre actif d'al-Nour n'a cessé de dénoncer, ces derniers mois, l'incapacité de Morsi à diriger l'Égypte, il ne cache pas son désaccord face à l'arrestation de l'ex-président et de ses proches, ainsi que dans la fermeture de leurs chaînes télévisées.
«C'est une violation des droits de l'homme», dit-il, en assurant que les jeunes de son parti viennent de lancer une médiation avec ceux des Frères musulmans afin de les convaincre de ne pas s'enfermer dans la «victimisation» et de ne pas sombrer dans la violence. C'est qu'al-Nour doit rassurer sa base et, à un plus large niveau, d'autres courants islamistes comme les salafistes d'Asala qui dénoncent ouvertement un «coup d'État» et qui l'accusent de l'avoir soutenu. «Nous sommes convaincus d'avoir agi dans l'intérêt national», poursuit Nader Bakkar, même s'il reconnaît que «chaque décision a un prix».
L'opposition à ElBaradei illustre également le début d'une nouvelle bataille politique pour le partage de l'Égypte de l'après-Morsi, qui pourrait s'aggraver au moment de la révision, prévue dans la feuille de route, du texte très controversé de la Constitution. Déjà, les membres d'al-Nour accusent Tamarod de vouloir imposer ses choix. D'après Nader Bakkar, trois noms ont été proposés par al-Nour pour le poste de premier ministre. Il s'agit de Hisham Ramez, l'ex-gouverneur adjoint de la banque centrale, d'Ahmed Darwish, ancien ministre d'État pour le Développement, et du juriste Mohamed el-Erian. Pendant que les négociations se poursuivent, d'autres factions politiques commencent à revendiquer leur part du gâteau. Ainsi, les supporteurs d'Ahmed Chafiq, ex-ministre sous Moubarak et rival de Morsi aux élections, se plaignent d'avoir été écartés, malgré leur participation aux manifestations du 30 juin. Pour leur part, les partisans de l'islamiste modéré Abdel Monem Aboul Fotouh, autre candidat malheureux à la présidentielle, ne voient pas d'un bon œil que seul un parti radical représente le courant politique religieux dans les préparatifs de la transition.