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Tunisie : grèves et crise politique, heurts entre policiers et manifestants
Publié le 27.11.2013, 11h50 | Mise à jour : 17h07 Tunis. La rue tunisienne "lassée d'attendre" l'issue de la crise politique que vit le pays.
L'incertitude est totale sur les possibilités de mettre fin à la profonde crise politique que vit la Tunisie depuis l'assassinat cet été de deux responsables politiques. Islamistes et opposants se rejettent la responsabilité de l’échec des pourparlers censés désigner un successeur à Ali Larayedh, Premier ministre issu du mouvement Enahdha, conformément à la feuille de route signée en octobre par la coalition au pouvoir et l'opposition.
Agé de 72 ans, le président du mouvement islamiste Enahdha, Rached Ghannouchi, longtemps exilé avant de regagner Tunis en janvier 2011, après la chute de Ben Ali, est sous le feu des critiques. L'épouse du député Mohamed Brahmi, tombé en juillet sous les balles des terroristes, l'accuse ouvertement de fermer les yeux sur la prolifération des salafistes. Lui, impassible, balaie toutes les accusations de l'opposition, notamment d'associations de femmes craignant l'établissement, à terme, de la Charia. Ce qu'il dément.
Le «dialogue national» se fait attendre
Dans un entretien au «Parisien»-«Aujourd'hui en France», paru mardi, le leader islamiste estime que l'heure est à la «reprise imminente» du dialogue et que les élections prochaines «confirmeront» sa majorité à l'Assemblée. Face à ses adversaires, furieux de voir les islamistes s'accaparer le pouvoir au détriment des jeunes révolutionnaires qui ont fait tomber Ben Ali, Ghannouchi reste de marbre. Son credo : le dialogue national permettra de trouver un accord afin de mettre fin à la crise.
Sur le papier, cet accord prévoit la désignation d'un nouveau Premier ministre qui aura, lui, quinze jours pour former un nouvelle équipe. A l'issue de cette période, le cabinet en place démissionnera. Dans le même temps, il faut trouver un consensus sur la future Constitution, mettre en place des instances électorales indépendantes et établir un calendrier. «Ce n'est pas une mince affaire», reconnait le président de l'Assemblée constituante, Mustapha Ben Djaafar, un des leaders de la troïka au pouvoir.
Début novembre l'esquisse de ce fameux dialogue a tourné court. Il s'est heurté aux querelles politiques, notamment pour désigner le futur chef du gouvernement. Chacun soutenant son candidat. Faute de consensus, il a été suspendu au grand regret du puissant syndicat UGTT qui joue la médiation.
Grève contre les inégalités, un siège d'Enahdha attaqué à Gafsa
La rue tunisienne ne croit guère à une entente entre les deux camps, que «tout oppose». Et la grogne sociale monte. Des mouvements de grève se multiplient. Ce mercredi, la région de Siliana était en grève pour commémorer la répression d'un mouvement social, il y a un an. Des heurts entre policiers et manifestants ont eu lieu. Ces derniers ont jeté des pierres sur la police, qui a répliqué de la même manière avant de tenter de disperser la foule en pourchassant en voiture les protestataires.
Deux autres régions, Gafsa (sud) et Gabès (sud-est) sont aussi en grève pour dénoncer les disparités de développement dans un climat social toujours plus tendu. A Gafsa, la tension est telle que plusieurs centaines de manifestants ont attaqué, dans la matinée, le siège d'Ennahdha. Ils ont saisi des dossiers des locaux ainsi que des meubles et les ont brûlés dans la rue. «Le peuple veut la chute du régime», «le peuple de Gafsa est un peuple libre», scandaient notamment les manifestants.
Nourrie par la pauvreté, un taux de chômage de 16%, la révolte est presque identique à celle qui a précédé la révolution de Jasmin. «La démocratie, si j'ai le ventre vide, je n'ai que faire», résume Badr Eddine, employé près de l'avenue Bourguiba, axe principal de Tunis. Ce quartier de la capitale, qui grouille de monde en journée, est désert à la nuit tombée. La police en civil est omniprésente mais la sécurité reste fragile.
«L'horloge s'est arrêtée et les Tunisiens sont pressés de retrouver la stabilité», bouillonne un homme d'affaires «lassé d'attendre» que la reprise soit au rendez-vous. Tout le monde s'accorde que l'économie est en berne depuis les attaques spectaculaires attribuées aux salafistes. Les investisseurs étrangers, inquiets de la violence qui gagne le pays, se montrent frileux. Ajouté aux mouvements sociaux à répétition, le tourisme, secteur clé de l'économie tunisienne, peine à relever la tête malgré l'optimisime affiché des autorités.